Annales des Mines (1896, série 9, volume 9) [Image 141]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

9,f e.,14!

SUR ÉMILE BAYLE

NOTICE NÉCROLOGIQUE

ratetir ; le budget d'entretien mis à sa disposition était si minime, que c'est à peine s'il lui suffisait pour se procurer les cartons et les tubes dont il avait besoin. Aussi faisaitil tout par lui-même ; c'est lui qui - préparait, les échantillons, on sait avec quelle habileté ; c'est lui qui les fixait sur les cartons ; c'est lui, enfin, qui écrivait les étiquettes ; aujourd'hui seulement, en parcourant les collections qu'il a ainsi patiemment créées, on peut se rendre compte de la sommé énorme de travail qu'il a dû y consacrer. En 1867, il avait fait acheter la collection Deshayes et, à cette occasion, il avait enfin obtenu qu'on lui adjoignit un de ses élèves, un jeune Ingénieur des Ponts et Chaussées, notre confrère et ami Bay-an, dont il avait su distinguer les heureuses dispositions. Or, la collection Deshayes

était aussi riche en coquilles vivantes qu'en coquilles. fossiles, et il devenait possible de rapprocher ces formes habituellement séparées et de réaliser ainsi une conception chèreaux paléontologues, pour qui la faune actuelle n'est que la suite et la continuation des faunes tertiaires;

mais, pour cela, il fallait remanier toute la collection, rangée jusque-là d'après l'ordre stratigraphique. A ce moment, je commençais à fréquenter le laboratoire de paléontologie de l'École des Mines, et je crois me rappeler que c'était Bayan qui soutenait la nécessité de ce changement, et que Bayle hésitait à s'engager dans cette voie nouvelle.

Sur ces entrefaites, la guerre arriva ; il fallut transporter et empiler dans les caves. la collection tout

entière, pour la mettre à l'abri du bombardement. Les échantillons résistèrent bien à cette dure épreuve, mais c, e n'en fut pas moins un désastre ; les cartons étaient moi-

sis, les échantillons décollés; il fallut tout remplacer et recommencer à nouveau ce rangement qui avait déjà -coûté à Bayle tant d'années de travail. -

Cette fois, - l'idée de Bayan triompha,, si. complètement

275

même, que Bayle se défendit d'en avoir jamais eu d'autre, et le classement paléontologique remplaça le classement stratigraphique, permettant ainsi de saisir d'un seul coup

d'oeil l'ensemble des modifications qu'un type donné a éprouvées pendant la série des temps géologiques. Mais la place manquait, les échantillons accumulés s'entassaient les uns sur les autres et devenaient de plus en plus inaccessibles. La situation était navrante et paraissait sans issue : la collection ne pouvait s'agrandir qu'en

délogeant le Directeur et l'Inspecteur de l'École. Et ces appartements si agréables, si bien situés, avec une vue magnifique s'étendant par-dessus les arbres du Luxembourg jusqu'au Mont-Valérien et jusqu'aux hauteurs boisées du parc de Saint-Cloud, n'étaient-ils pas trop beaux pour des pierres et des fossiles ? En outre, un gros crédit était nécessaire, et si le projet d'agrandissement qui tenait si fort à coeur à Bayle finit par triompher devant la Commission du budget, ce fut grâce à l'appui inespéré qu'il trouva au sein même de celle-ci.

Les géologues qui fréquentaient les collections de l'École des Mines appuyaient de toutes leurs forces ce projet et le jugeaient indispensable. Parmi ceux-ci, un de nos confrères était des plus ardents et des plus convain-

cus. Déjà, à plusieurs reprises, il .avait pu intervenir utilement pour sauvegarder l'intérêt des collections. Il tenta de nouvelles démarches. Un de ses amis, géologue et ingénieur des Mines, était de l'entourage de Gambetta; il sut intéresser à la question le Président de la -Commission du budget et l'amena à l'École des Mines. Volontairement ou involontairement, Bayle était absent ce jour-là, et j'eus la bonne fortune de le remplacer. Gambetta n'avait certainement jamais vu de fossiles ; il fut frappé de ce monde nouveau qui s'ouvrait devant lui ;

il comprit bien vite qu'il n'y avait pas là seulement une accumulation d'objets bizarres et curieux, mais que ces