Annales des Mines (1879, série 7, volume 15) [Image 291]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

LA MÉTALLURGIE 562 1863, en Angleterre, un métallurgiste éminent, sir J. VVhitworth,

fabriquait des objets moulés en acier fondu (canons, projectiles, etc.), remplaçant toutes les opérations de forgeage (martelage ou autre travail mécanique) par une trempe à l'eau, à l'huile ou dans tout autre liquide approprié, avec ou sans recuit. Bien qu'appliqué alors à des aciers de qualité certainement supérieure à celle des métaux fondus d'aujourd'hui, ce procédé, qui eût apporté une simplification considérable dans les moyens d'ouvraison des métaux, ne donna pas les résultats qu'espérait son inventeur. Même pour des formes simples, symétriques par rapport à leurs axes, on a dû rencontrer de grands obstacles déjà dans le moulage, quand il s'agit surtout d'acier doux fondant à très-hautes tempé-

ratures et subissant des effets de retrait proportionnés à cette chaleur initiale du bain de coulée. De ces effets de retrait, souvent très-inégaux d'un point à l'autre des pièces, devaient résulter des défauts divers, nuisibles à leur solidité. En outre, la trempe, même la trempe douce à l'huile, et le recuit, très-efficaces comme moyens d'amélioration des qualités physiques et mécaniques du métal, deviennent fort difficiles à appliquer à des objets volumineux, de formes variées et dissymétriques, parce qu'il est impossible de chauffer et de refroidir uniformément de pareils objets. C'est certainement à ces difficultés qu'il faut attribuer l'abandon que sir J. -Whitworth a fait de ce premier procédé et la préférence qu'il a décidément donnée depuis à celui de la compression du métal à l'état liquide en lingots de formes simples, avec forgeage ultérieur. Les magnifiques échantillons que ce fabricant exposait en 1878 ne sont pas de simples spécimens d'exhibition. Nous avons eu la preuve personnelle que cette remarquable fabrication est à l'état courant dans ses ateliers ; les perfectionnements tout récents (1875) qu'il a apportés à ses presses, soit pour la compression du métal liquidé, soit pour le forgeage, en les complétant par le dispositif

A L'EXPOSITION DE 1878.

563

fort réduite. Peut-être y a-t-on vu trop exclusivement un moyen d'éviter les souillures : or, ce n'est pas, pensons-nous, le trait principal du procédé tel qu'il est pratiqué par sir J. Whitworth. Sans doute la compression, même à des pressions relativement faibles, provoque l'expulsion des gaz contenus dans le métal fondu,

surtout avec les dispositifs de lingotières adoptés par M. Whitworth; mais, pour réaliser l'acier sans soufflures, il est, plusieurs praticiens l'on rappelé dans la discussion à laquelle le procédé Whitworth a donné lieu en 1875 devant la Société des ingénieursmécaniciens anglais, il est des procédés plus simples: des procédés

que connaissent depuis longtemps les fondeurs d'acier, nous l'avons montré précédemment. S'il n'y avait que cela dans le pro-

cédé de compression, il n'y aurait pas lieu de recourir à l'outillage énorme qu'il exige. Mais, il ne faut pas oublier que la compression, dans le système Whitworth, ne s'exerce pas seulement sur le métal liquide; elle se continue sur le métal déjà solidifié : 'le maintien de la pression jusqu'à ce que l'acier ait pris une tem-

pérature à laquelle il ne peut plus cristalliser en refroidissant, nous semble devoir produire des effets très-importants : effets fort

semblables à ceux qu'a étudiés et décrits un habile ingénieur russe, M. Tchernoff (*).

Ainsi s'expliqueraient les hautes résistances et même les allon-

gements élevés que présentent déjà les métaux comprimés de M. Whitworth. Et, rappelons-le encore, à ce premier travail mécanique, succède le forgeage, et le forgeage à la presse, bien supérieur à celui du marteau quand il s'agit d'un métal d'une nature si mobile.

Ainsi compris, le procédé de la compression exige naturellement un matériel tout autrement puissant que celui par lequel on a essayé de l'appliquer en France; mais, pour les objets auxquels se prêtent les dispositifs spéciaux de lingotières qu'emploie M. Whitworth, on peut réaliser ainsi des produits dont la supériorité com-

de la tête mobile, constituent un matériel coûteux, il est vrai, mais très-pratique. Il ne nous paraît pas douteux qu'un métal

pense les dépenses de premier établissement et les frais d'ouvraison. Cette supériorité explique, en tout cas, la substitution,

fondu sur sole Siemens, de bonne qualité première, doive, par ce double procédé de la compression et du forgeage, complété par

chez M. Whitworth, de ce procédé à celui du moulage avec trempe

la trempe à l'huile et le recuit, atteindre le plus haut degré de résistance et d'allongement, et même de stabilité moléculaire, que l'on puisse désirer dans les produits de cette sorte.

Le procédé de compression à l'état liquide a été appliqué en France par plusieurs fabricants, et, croyons-nous, aussi tôt, sinon même plus tôt, qu'en Angleterre, mais jusqu'ici sur une échelle

et recuit. Les fréquentes applications qui ont été faites depuis dix ou quinze ans de la trempe à l'huile sur objets finis (martelés ou (1 Communication faite par l'auteur à la Société technique impériale de Russie (mai i868), traduite dans la Revue universelle de Liége. Livraison de mars-avril 1877.