Annales des Mines (1878, série 7, volume 14) [Image 145]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

gigues dans les terrains du Banat, en lui dédiant une nouvelle plante fossile qui figure dans ses collections sous le nom de Zamites Barrei. La ville de Szegedin lui exprimait, à l'occasion d'une exposition nationale faite en I 876, la reconnaissance la plus flatteuse pour la part importante prise par les mines, usines et domaines de la Société à cette exposition. La même année, une communication faite par lui à M. l'inspecteur général Daubrée sur le dégagement d'ammoniaque observé lors de la cassure des rails d'acier, était lue à l'Académie des sciences et y excitait un juste intérêt. Enfin la commission royale hongroise, pour l'Exposition universelle de 1878, se préparait à le désigner comme membre du jury international pour le groupe des industries minières et métallurgiques, quand la mort est venue le priver d'assister à cette exposition qu'il préparait avec tant de zèle et dont le programme, en ce qui concerne les mines, usines et domaines de la Société, avait été fixé par lui. Est-il besoin de dire que Barré faisait partie de toutes les sociétés qui poursuivent un but utile et généreux. Il était membre de l'Association amicale des anciens élèves de l'École polytechnique, membre fondateur de l'Association amicale des anciens élèves de l'École des mines, membre de la Société géologique de France, de la Société de l'industrie minérale de Saint-Étienne, de l'Iron and Stee/ Institute d'Angleterre, de la Société des ingénieurs et architectes autrichiens. L'École Monge, le comptait parmi ses propagateurs ; les Alsaciens-Lorrains de Paris, comme les indigents français de Vienne, recevaient de sa bienfaisance

un généreux appui. Mais ceux qu'il aimait avant tout, c'étaient les jeunes camarades que les missions amenaient à Vienne chaque année. Bien que son temps fût précieux, il ne pouvait résister au plaisir de leur tracer un programme de voyage, de les équiper de ses conseils et de ses recommandations. 11 avait une double satisfaction à recevoir de jeunes compatriotes, et à les recevoir dans ce pays d'Au-

SUR M. ADOLPHE BARRÉ.

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triche qu'il aimait et dont il voulait les voir emporter un bon souvenir. C'est peut-être une illusion de notre part, mais il nous semble qu'encouragés par ce bon accueil, ils venaient plus nombreux chaque année. Qu'il en soit ainsi longtemps encore! Si Barré n'est plus là pour recevoir ces jeunes voyageurs, sa mémoire sera pour eux une sauvegarde, et ses successeurs apprendront à faire pour eux ce qu'il faisait lui-même avec une si grande bienveillance. C'est ainsi que s'est écoulée, pendant ces huit dernières années, cette vie qu'on pourrait citer comme modèle et qui devait avoir une si brusque fin. Une maladie, qui paraissait d'abord inoffensive, a brisé en quarante-huit heures tous les ressorts de cette vigoureuse nature. S'il était possible pour les siens de trouver quelque adoucissement à une si poignante douleur, ils le puiseraient dans les témoignages exceptionnels de sympathie prodigués à sa mémoire. De la Bohème, de la Hongrie accourent les représentants de ce

personnel dont l'attachement se révèle aujourd'hui avec plus de force que jamais ; les couronnes viennent s'amonceler au pied du lit mortuaire ; le drapeau noir est arboré au-dessus des puits de mine ; des télégrammes, écrits sous le coup de l'émotion la plus vive, arrivent sans cesse ; ils sont adressés à la famille en deuil par des amis inconsolables, par des milliers d'employés et d'ouvriers qui tous ressentent la perte du chef qu'ils estiment, parce que tous l'ont vu à l'oeuvre. Partout de semblables hommages au-

raient leur prix, mais ne doivent-ils pas acquérir encore une plus grande valeur quand c'est sur la terre étrangère qu'ils se produisent et viennent ainsi montrer que, malgré l'époque troublée que nous traversons, il est des hommes devant le nom desquels tous les sentiments autres que ceux de l'affection et du dévouement disparaissent. Vienne, mars 1878.