Annales des Mines (1878, série 7, volume 14) [Image 144]

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NOTICE NÉCROLOGIOUE

SUR M. ADOLPHE BARRÉ.

la Société autrichienne, la situation de ce personnel est

Bien que possédant toutes les qualités qui assurent un accueil flatteur dans le monde, Barré le cultivait peu. Il donnait la plupart de ses soirées à la vie de famille, qu'on apprécie d'autant mieux qu'on est plus loin de son pays ; entretenir une correspondance suivie avec ses chers parents, avec une soeur dont il était la joie et l'orgueil, avec un jeune frère sorti depuis peu de l'École d'application du génie et dont il aimait à suivre les débuts dans la carrière militaire; faire la lecture à haute voix à ses deux enfants, pour lesquels il avait une tendresse infinie, leur parler de ce Banat où il avait été si heureux de les conduire, em-

réglée dans tous ses détails par des instructions mûrement étudiées, et grâce à l'excellent esprit qui règne dans cette

grande entreprise, les chefs peuvent compter sur le dévouement de leurs subordonnés, comme ceux-ci peuvent compter sur leur appui; il faut néanmoins se préoccuper de tenir la balance égale entre tous. Barré apportait dans le traitement du personnel un esprit d'équité auquel il devait cette estime profonde, dont sa modestie ne lui a peutêtre pas permis de se rendre compte, mais qui a éclaté lors de sa mort par les témoignages les plus touchants. Pas un changement n'était proposé dans la situation d'un employé

placé sous ses ordres, sans un examen qui lui permît d'asseoir son jugement sur des bases indiscutables. Ferme contre le mauvais vouloir, mais indulgent pour la faiblesse, aimable, familier même avec ceux qu'il avait jugés dignes de sa confiance, il obtenait plus par une observation faite sur le ton doux qui lui était habituel, que d'autres par de vifs reproches. Une franchise absolue sachant tout dire, sans jamais faire ressentir la moindre blessure, un esprit de conciliation en présence duquel toute résistance se trouvait bientôt désarmée, une modestie qui lui rendait la flatterie insupportable pour lui-même, et une dignité personnelle qui le faisait malhabile à s'en servir envers ceux qu'il

voyait placés plus haut que lui, voilà quels étaient les principaux traits de ce caractère .exquis. Peu d'hommes, nous croyons pouvoir le dire, ont été autant estimés que lui de leurs supérieurs, de leurs collègues et de. leurs subordonnés. « Au milieu de tous les ennuis, de toutes les fatigues du service, .disait hier encore son chef et son ami, Barré n'est pas entré une seule fois dans mon cabinet, sans que j'aie eu du plaisir à voir sa loyale figure. » Heureux ceux qui savent inspirer de semblables sentiments, sous leurs

pas les obstacles s'aplanissent, l'avenir est à eux, quand la mort ne vient point détruire tant de légitimes espérances.

ployer l'après-midi du dimanche à de longues promenades avec eux dans les environs de Vienne, voilà quels étaient

ses plus grands plaisirs. Trop intelligent pour ne pas trouver clans le culte des beaux-arts un utile délassement, il allait volontiers à ce théâtre du Burg, où les classiques d'outre-Rhin trouvent leurs meilleurs interprètes. « Ce soir, je vais étudier Schiller » , nous disait-il quelquefois. La musique avait aussi pour lui de grands attraits ; il se plaisait surtout à entendre les oeuvres des grands maîtres dont Vienne est le berceau ; il aimait à s'en faire expliquer la structure, à en pénétrer les savantes intentions, et la sûreté de jugement qu'il apportait en toutes choses lui permettait, bien qu'il n'eût pas la pratique de cet art, d'en admirer les beautés les plus abstraites. Un pareil homme ne devait pas rechercher les honneurs, mais c'était eux qui venaient à lui. A l'occasion de l'Exposition universelle de 1875, il avait été nommé par S. M.

l'Empereur d'Autriche chevalier de la Couronne de fer, récompense ordinaire de longs services, et distinction d'au-

tant plus flatteuse pour lui qu'elle avait été plus rapidement obtenue. L'Institut impérial-royal géologique de Vienne, avec lequel il entretenait d'excellentes relations et dont il était membre correspondant, reconnaissait les encouragements donnés par lui aux recherches paléontolo-