Annales des Mines (1872, série 7, volume 2) [Image 104]

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NÉCROLOGIE DE M. DELAUNAY.

détourner de l'important travail auquel il s'était dévoué. En 186o, après plus de quatorze ans d'un labeur assidu, il pu.

Niait le tome I" de sa Théorie de la Lune : pendant cet intervalle, il avait, dans des mémoires du plus haut intérêt, traité diverses questions se rapportant au même sujet, notait]. ment le problème si controversé de l'accélération séculaire, Sept ans plus tard, paraissait un second volume, formant avec le précédent la partie de beaucoup la plus difficile du travail 'entrepris par l'auteur. Le troisième volume, dont les

matériaux étaient pour la plupart préparés depuis longtemps, devait compléter prochainement ce grand ouvrage. Non content d'avoir établi les expressions analytiques des coordonnées de la lune, M. Delaunay avait entrepris de les réduire en tables. Les calculs numériques, commencés;de. puis plusieurs années, s'exécutaient sous sa direction:. le Bureau des longitudes avait pris ce travail sous son pàtronage et obtenu de l'État les fonds nécessaires ; peu d'années encore eussent suffi pour le terminer. Les nouveaux devoirs qu'avaient imposés à M. Delaunay les fonctions de directeur de l'Observatoire ne l'empêchaient pas de poursuivre son oeuvre de prédilection ; vous le voyez, Messieurs, il touchait presque au terme, lorsque la mort est venue trancher le fil de cette vie dévouée à la science. Quoique l'auteur ne soit plus là pour y mettre la dernière main, il ne sera sans doute pas impossible de terminer ce monument scientifique.. Espérons, Messieurs, pour la gloire de l'astronomie française, que ce service sera rendu à la science, que ce suprême hommage ne manquera pas à notre illustre confrère.

NECROLOGIE DE M. DELAUNAY.

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HL M. YVON VILLARCEAU, MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES sciENeEs, AU NOM DE L'OBSERVATOIRE NATIONAL DE PARIS.

Messieurs,

Je dois au privilége de l'ancienneté l'honneur de vous parler, au nom de l'Observatoire national, de l'astronome éminent que la science vient de perdre. Mardi dernier, la nouvelle d'un affreux malheur a plongé dans la consternation le personnel de l'Observatoire de Paris : son Directeur, M. Delaunay, venait de périr victime d'une catastrophe en dehors de toute prévision. Le coup dont l'Observatoire était atteint frappait en même temps le fils et la mère, ainsi que les nombreux amis de M. Delaunay. Vous avez tous ressenti, Messieurs, la cruelle émotion qu'un coup si inattendu devait inévitablement produire vous me pardonnerez d'essayer d'écarter un instant le souvenir d'un aussi lugubre tableau, en vous rappelant les traits: principaux de la vie scientifique de celui que vous pleurez en ce moment.

M. Delaunay était, avant tout, un théoricien distingué. lin beau mémoire sur le calcul des variations a marqué son début dans la science : cependant le goett des recherches astronomiques ne tarda pas à se développer chez lui, et ce ne fut pas sans émotion que l'on vit deux jeunes savants aborder un sujet qui avait exercé la sagacité du doyen de l'astronomie française, M. Bouvard, l'auteur de la plupart des tables astronomiques alors en usage. Le sujet était admirablement choisi et devait, selon toute probabilité, conduire à des résultats importants : MM. Delaunay et Leverrie- entrèrent dans la lice : grâce aux controverses qui s'élevèrent,

la lumière se fit sur la cause des perturbations d'Uranus, et l'on fut heureux de voir s'ajouter deux noms à la liste des successeurs des hommes illustres qui s'appelaient Lagrange, Laplace, Poisson et Damoiseau. Après la découverte de Nep-