Annales des Mines (1872, série 7, volume 2) [Image 103]

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NÉCROLOGIE DE M. DELAUNAY.

de l'Observatoire et du Corps des mines, vous parleront mieux que moi de cette vie si bien remplie. D'ailleurs, cher confrère, l'Institut ne se tient pas quitte pour si peu envers vous : dans une séance solennelle, consacrée à votre mémoire, l'Académie des sciences vous rendra un complet et solennel hommage. La France sait déjà, mais elle connaîtra

mieux alors l'ceuvre grandiose que vous avez élevée en l'honneur de la science et de votre pays. En ce moment, tout entier à mon profond regret, je ne puis que partager la douleur de vos camarades et de vos élèves ; je m'arrête devant ces larmes que je vois aux yeux de vos maîtres et de vos anciens. Adieu donc, cher confrère ! nous garderons tous le souvenir de votre grand esprit, si noblement uni à

tant de loyauté et d'amour du bien. Adieu, et puissionsnous marcher jusqu'au bout sur vos traces !

11. - M. PUISEUX, MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, AU NOM DU BUREAU DES LONGITUDES.

Messieurs,

Je viens, au nom du Bureau des longitudes, exprimer la profonde douleur que nous cause, à mes collègues et à moi, la mort du savant éminent auquel nous rendons en ce jour les derniers devoirs. M. Delaunay, dans toute la force de l'âge, dans toute la vigueur de son talent, semblait destiné à 'vivre de longues années encore ; il avait entrepris une de ces tâches qui exigent la vie d'un homme presque entière; mais nul de nous ne doutait qu'il ne parvînt à l'accomplir jusqu'au bout. La Providence en a disposé autrement, et la science, le pays: se voient enlever soudainement, par un

de ces coups mystérieux qui confondent notre raison, l'homme dont ils pouvaient attendre encore tant d'utiles et de glorieux travaux.

NÉCROLOGIE DE M. DELAUNAY.

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Par les rares qualités de son esprit, M. Delaunay était en état d'aborder, avec un égal succès, les diverses branches des sciences exactes ; ses premiers mémoires montrent assez qu'il aurait plu se placer à un rang élevé parmi les géomètres ; mais l'astronomie devint de bonne heure l'objet principal de ses études. Il publiait, dès 1844, un travail important sur un point délicat de la théorie des marées, et, à la même époque, il commençait à se préoccuper de la question bien autrement vaste du mouvement de la lune. On sait combien la connaissance exacte de ce mouvement

importe à l'astronomie et à la navigation ; mais on sait aussi quelles difficultés présente la détermination des innombrables inégalités de la lune. Exprimer le mouvement de cet astre par des formules analytiques dans lesquelles aucun terme sensible ne soit négligé, en déduire des tables d'où l'empirisme soit banni, tel est le but que s'est proposé notre regretté collègue, et ceux-là seuls qui ont examiné la question de près peuvent se rendre compte de l'immensité d'une pareille tâche. La nécessité de pousser l'approxiloin que ne l'avaient fait l'auteur de la Mécanique céleste et l'habile géom. ètre Plana augmentait le mation plus

travail dans une proportion effrayante ; d'ailleurs, les méthodes suivies jusque-là conduisaient à des calculs tellement compliqués qu'il eût été à peu près impossible d'éviter et de reconnaître les erreurs. Il fallait donc imaginer une marche nouvelle, qui permît de décomposer le travail en une série d'opérations successives, exécutées par un procédé uniforme et dont chacune

se prêtât à une vérification rigoureuse. Cette condition, sans laquelle le problème devenait inextricable, M. Delaunay

parvint à la remplir ; le mémoire dans lequel il expose sa méthode et qui fut présenté à l'académie, en 184.6, montre avec quelle sagacité il savait tirer parti des ressources de l'analyse.

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Depuis cette époque, M. Delaunay ne s'est jamais laissé