Annales des Mines (1872, série 7, volume 2) [Image 105]

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NÉCROLOGIE DE M. DELAUNAY.

tune, M. Delaunay ne tarda pas à s'engager dans une nouvelle voie, où ses qualités d'analyste ne pouvaient manquer de se donner carrière. Il aborda une question que les travaux de Hansen semblaient avoir épuisée, mais dont la solution obtenue par cet astronome restait, dans une certaine mesure, entachée d'empirisme. M. Delaunay jeta les bases d'une nouvelle théorie de la lune. Dans cette nouvelle voie, il ne devait pas trouver de concurrent, et, cette fois, un travail soutenu, pendant vingt-cinq années, avec une persevérance dont les exemples sont malheureusement trop rares,

devait assurer à son auteur un succès sans partage : les géomètres ont su apprécier la brillante analyse par laquelle M. Delaunay est parvenu à surmonter les difficultés du problème; ils ont applaudi à la persévérance qui venait ajouter, chaque année, de nouveaux termes à l'expression de la va.

riation séculaire du moyen mouvement de la lune. Nul doute que, s'il avait été donné à M. Delaunay de poursuivre son travail pendant quelques années encore, il ne fût parvenu à résoudre complètement la difficile question que soulève la différence existant entre les observations et une théorie dont les développements ont été déjà poussés fort loin, grâce à l'immense travail de leur auteur. On sait combien ce point délicat avait exercé la sagacité de M. Delaunay. Dans la prévision d'un désaccord sensible et persistant, il avait imaginé l'hypothèse ingénieuse de l'action des marées sur la durée de la rotation de la terre, et montré la possibilité de l'intervention d'une cause de cette nature. 11 n'avait pas non plus négligé de provoquer des recherches sur les anciennes éclipses : il attendait peut -être le résultat de ces recherches, avant de poursuivre les conséquences de son hypothèse ; toutefois il n'en continuait pas avec moins d'énergie le laborieux calcul de la variation séculaire du moyen mouvement de là lune. Je crois être l'interprète des astronomes, en exprimant ici

le voeu que le travail auquel M. Delaunay avait voué son

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existence ne reste pas inachevé : ce serait pour la science une perte de longtemps irréparable.

A son début, vous ai-je dit, 'une émulation s'est établie entre deux savants que l'on s'est trop facilement habitué à considérer comme des rivaux. Peut-être trouvera-t-on inopportun d'éveiller de tels souvenirs en présence de cette tombe ; et pourquoi. cependant céderais-je à ce scrupule, si je dois vous faire connaître que la rivalité devait faire place li une entente cordiale, au moment où il s'est agi d'entreprendre des travaux qui feront honneur à la Fiance? Plein de respect pour la mémoire d'Arago et lié par une vive sympathie à la famille de celui qui a jeté un si vif éclat sur la science française, étranger d'ailleurs aux travaux qui s'exécutent dans les observatoires, M. Delaunay n'avait pu se figurer que son prédécesseur eût grandement amélioré l'état de l'Observatoire de Paris ; mais, devenu à son tour directeur de cet établissement, il s'est de plus en plus convaincu de la réalité des progrès effectivement réalisés depuis

la direction d'Arago, et nous l'avons entendu maintes fois témoigner de son adhésion aux innovations de diverses natures qui ont été introduites par son savant prédécesseur. On ne sera donc pas étonné d'apprendre que les deux prétendus rivaux se soient accordés récemment pour demander au gouvernement les moyens de continuer les travaux astronomiques et géodésiques que réclament les progrès de la science. Ces travaux doivent être exécutés sur un plan à 'concerter entre le Bureau des longitudes et l'Observatoire. Hélas ! l'impitoyable destin aura enlevé à M. Delaunay la part de collaboration qu'il avait acceptée ! Vous savez, Messieurs, que M. Delaunay a été chargé de la direction de l'Observatoire en 1870. A peine le nouveau Directeur avait-il pu prendre connaissance des choses, toutes nouvelles pour lui, dont il avait à s'occuper, que les événe-

ments militaires l'ont obligé à mettre à l'abri des effets du bombardement les appareils astronomiques confiés à son