Annales des Mines (1872, série 7, volume 2) [Image 102]

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NÉCROLOGIE DE M. DELAUNAY.

avec tant de succès qu'il devait désormais se consacrer exclusivement à la science, à laquelle il était appelé à ren. cire de si grands services. A la Sorbonne, Delaunay suppléa d'abord illustre Biot, dans la chaire d'astronomie physique, de 1841 à 1848, puis fut nominé professeur du cours de mécanique physique. A l'École polytechnique, il était devenu, en 1851, professeur du cours de mécanique et machines. On sait que, le 4 août dernier, Delaunay a péri dans une excursion maritime qu'il faiSait en rade de Cherbourg ; le canot où il était monté a brusquement chaviré, sous une bourrasque, sans qu'il ait été possible de porter secours A aucun des quatre naufragés. Aux obsèques du savant et si regrettable directeur de l'Observatoire de Paris, aucun des discours préparés par les représentants de cet établissement, à la tête duquel il avait été placé en 1870, de l'Insti-

tut, où il était entré en 1855, du bureau des longitudes, dont il faisait partie depuis 1862, et du corps des mines, n'a pu être prononcé, attendu que l'inhumation s'est faite à Ramerupt (Aube). C'est un motif de plus pour recueillir précieusement ces projets de discours, où les lecteurs des Annales des mines trouveront l'expression solennelle 'des légitimes hommages que mérite la :mémoire de Delaunay. I.

M. FAYE, MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, AU NOM DE L'INSTITUT.

Honorés confrères, Messieurs, Quelle mort cruelle que celle de notre confrère ! Frappé dans toute sa force, au beau milieu d'une existence cou. ronnée des plus brillants succès, entouré de l'estime générale, admiré pour les plus beaux, les plus énergiques labeurs que puisse concevoir et mener à bonne fin la science de notre époque ; regretté de tous, car tous rendaient hommage depuis longtemps à ses fortes qualités : tel est l'homme

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qui vient de nous être enlevé subitement, à la fleur de son génie, par une mort obscure et sans but, après avoir vaillamment supporté le siège de Paris et les terreurs de la guerre civile. Il y aurait, -dans cette brusque exécution des décrets mystérieux d'une apparente fatalité, de quoi confondre nos esprits, si nous ne savions qu'il faut être prêt -à toute heure. N'oublions pas, Messieurs, que nous sommes, grands et pe-

tits, dans une main suprême qui nous départit la vie et l'intelligence en vue du bien et du progrès, et qui soudai-, nement peut clore à son gré la page où nous inscrivons les

actes de notre vie ; heureux si, comme Delaunay, nous avons bien usé du temps qui nous eSt laissé, si, comme lui,

uous.avons augmenté la science et fait avances l'esprit humain vers la vérité divine !

Car jamais existence n'a été mieux employée que celle de notre confrère. Sa vie, hélas I trop courte, a été consacrée aux plus rudes travaux dont l'honneur puisse rejaillissur notre pays. Des gens, qui ne songent qu'aux infortunes d'un jour, ,parlent de la puissance scientifique qui aurait déserté cette terre ipour aller féconder des races nouvelles qu'ils nous montrent donc ailleurs un esprit plus solide, qui

se soit attaqué à de plus grands problèmes et les ait aussi vigoureusement traités et résolus ! La Théorie de la Lune, de Delaunay-, -est l'oeuvre d'une virilité scientifique élevée à ,plus haute puissancede ce siècle. L'Académie, héritière de cette oeuvre, que Delaunay a entreprise pour elle et publiée sous son patronage, de ce travail énorme que les plus compétents jugeaient impossible avant lui et où nous admirons à la fois la simplicité dans la méthode et la puissance dans l'application, l'Académie, dis-je, ne la laissera pas ina.chevée. Je voulais d'abord vous retracer les appréciations qui ont accueilli itrétranger cette oeuvre colossale ; mais à quoi bon

chercher à tromper votre douleur ? Devant ce coup inattendu, devant ce désastre public, je ne me sens pas la force de le faire. Les savants interprètes du Bureau des longitudes,