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ENQUÊTE

OFFICIELLE

SUR LA. CONDITION DES 0UVK1E11S

Le comité des houillères invoque l'intérêt de l'industrie : « L'enfant accomplit, dans les mines, une besogne utile et proportionnée à ses forces; s'il n'est plus là, il faudra le remplacer par un adulte, qui coûta plus cher et sera lui-même enlevé à un travail plus essentiel. » Nous avons rapporté l'opinion contraire des ingénieurs belges, qui s'accordent à reconnaître que l'enfant rend peu de services dans les mines ; que son travail reste au-dessous de l'équivalent de son salaire et qu'il y a lieu de confier, en général, sa besogne à un ouvrier plus âgé. L'intérêt des familles ? « La famille, qui obtenait de son enfant une rétribution de oE,75 à i',25 par jour, se trouvera appauvrie et plus gênée. »

Sans doute; mais l'objet de toute loi faite en faveur de l'enfance, a précisément pour objet d'enlever à la famille la faculté de rechercher un accroissement de bien-être aux dépens de ses enfants. Et c'est pour cela que les adversaires de la loi invoquent l'intérêt de l'enfant lui-même, de son instruction : « L'enfant, — disent-ils, — sera resté deux ans de plus dans les écoles. Mais, à onze ans, l'enfant a fait sa première communion; il a tiré de l'instruction primaire tout ce qui peut lui être utile. Il sait lire, écrire et compter. N'est-il pas temps, pour lui, do se consacrer à l'éducation professionnelle et de commencer l'apprentissage de la profession qui doit le nourrir ? « A douze ans, — nous écrit-on d'un bassin bouiller, — l'enfant a épuisé la science de l'instituteur primaire ; il en est dégoûté pour toujours. Si on lo laisse sans travail, il vagabondera et se pervertira. » A la bonne heure, mais comment concilier cette manière d'entendre l'instruction primaire (limitée brusquement, dans ses résultats utiles, à l'époque de la première communion) avec l'opinion de l'ingénieur en chef de Liège, M. Redoux, qui, tout en reportant cette époque à la douzième année, avoue que, «jusqu'alors, c'est encore tout au plus si la moitié des enfants a fréquenté l'école, qu'ils quittent à peine dégrossis, pour satisfaire aux exigences de leurs parents. » Voilà un témoignage plus désintéressé peut-être que celui des industriels. Enfin, si l'instruction primaire se réduit à aussi peu de chose, nous ne comprenons plus les efforts faits courageusement, et avec tant de suite, depuis vingt ans, pour étendre les programmes de cet enseignement et cultiver l'esprit des instituteurs. Sans doute, le

DANS

LES MINES ET

USINES DE BELGIQUE.

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comité des houillères serait d'avis de supprimer les écoles normales et d'en affecter les ressources à la création d'écoles de porions et maîtres mineurs. Mais ceux-ci regretteraient sans doute bientôt, en abordant les quelques difficultés théoriques de l'instruction professionnelle, le défaut d'une instruction primaire plus étendue. Le comité des houillères n'admet même pas les demi-mesures : « Mais on laissera travailler l'enfant quatre jours. Cette transaction est impossible. Dans une mine, le travail n'est pas individuel; il est organisé pour tous et pour les six jours de la semaine. 11 faudra donc laisser de côté les enfants et s'organiser autrement. « Dès lors, toutes ces familles d'ouvriers, voyant avec peine le règlement qui leur est imposé et qui les appauvrit, prendront en antipathie l'instruction qui en est le prétexte. »

A ce compte, il ne faudrait plus s'élever contre un préjugé intéressé, de peur d'inspirer le dégoût du principe contraire. A cette résistance, opposons encore l'autorité de l'ingénieur de la région du Borinage, qui se demande « s'il ne serait pas possible d'instituer, pour les garçons de plus de douze ans, un travail réduit à un moindre nombre d'heures, système appliqué en Angleterre dans certaines industries. » Ce compte rendu du comité des houillères nous donne pourtant quelques armes pour vaincre les hésitations prudentes des ingénieurs belges, dont nous avons emprunté les paroles. Il nous apprend, en effet, en quoi consiste le travail des enfants dans les mines : « Ils approchent les bois, qui, vu l'exiguïté dos ateliers, sont de petites dimensions; ils écartent des charbons les fragments de schistes et de rochers, et rangent les remblais; ils graissent les chariots; ils font les commissions de toute nature pour les mineurs, vont chercher des outils, des cartouches, de l'eau; cnfln ils servent de portiers, c'est-à-dire ouvrent et ferment les portes d'aérage. Au delà de quatorze ans, ils participent au roulage, c'est-à-dire poussent, à deux, les chariots de 4 à 5 hectolitres sur les voies do fer. « Il n'y a là aucune condition de travail qui puisse nuire à la santé ou au développement des enfants. Bien au contraire, ce sont des exercices qui les fortifient et leur donnent le goût du travail. A mesure que l'enfant grandit, toute son ambition est d'arriver successivement aux postes mieux rétribués, afin de devenir le plus tût possible mineur, soit au charbon, soit au rocher. »

On le voit, cette initiation au métier de mineur se borne à une sorte d'éducation morale. Mais est-ce là un apprentissage efficace,