Annales des Mines (1847, série 4, volume 11) [Image 348]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

et les années se comptent dans une science comme la géologie : le Traité de M. d'Aubuisson ne peut donc plus guère être fceuvre du jour, il n'est plus l'expression des idées et des connaissances les plus nouvelles ; mais il est entré, et il marque encore dans l'histoire générale de la science (I). Il a d'ailleurs des beautés de tous les temps, je veux dire un style pur et expressif, une exposition lumineuse,

une méthode sûre et un talent de description qui produit un effet d'autant plus sûr, que l'expression pleine de force et d'image n'y dépasse pas néanmoins le naturel. On y trouve en outre une érudition étendue et une impartialité remarquable dans l'exposé des opinions et des faits. Cet ouvrage est au reste plutôt descriptif que systématique M. d'Aubuisson était de la bonne école des géologues, de l'école des observateurs, née pour ainsi dire avec Saussure et Werner ; réservé comme ces

grands maîtres, il ne suppléait que le moins possible au silence des faits ou à l'incertitude d'une science encore peu avancée. Ami sincère de la vérité , et particulièrement soucieux des choses positives, il s'attachait à ce grand précepte de Descartes, qu'il a placé au milieu des pl us belles pages de l'Introduction au Traité dont nous parlons : « Celui qui

aspire à connaître la vérité doit, au moins une fois en sa vie, s'appliquer à douter de tout ce qu'on lui a appris.)) Philosophie, dirons-nous,

(1) Tout ce que nous disons ici ne se rapporte qu'à la première édition du Traité de géognosie ; la seconde édition , dont il n'a revu que la première partie, a été continuée sans aucune participation de sa part, et sous l'empire d'idées tout à fait étrangères aux siennes : à part le

premier volume, il n'y faut rien chercher de M. d'Au-

buisson.

SUR M. D'AUSUISSON

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qui sans doute ne peut être à la portée de tous les esprits, et qui d'ailleurs ne mène pas toujours à la vérité, mais qui du moins peut seule maintenir la science et l'esprit humain dans la voie qui y conduit.

L'impartialité du géologue ne pouvait aller

néanmoins jusqu'à l'indifférence de tout système : il est pour M. d'Aubuisson certaines questions de principes dans lesquelles il est resté plus ou moins strictement fidèle aux idées werneriennes, et qui dominent toutes les classifications de son ouvrage. De ce nombre est l'opinion de la nature sédimentaire des roches granitoïdes, opinion dont le

principal fondement expérimental est d'une part l'universalité de ces roches, leur constance de composition , de l'autre le passage indiscernable si souvent observé entre le granit massif et des roches évidemment stratifiées, comme les gneiss et schistes micacés. Cette opinion était, comme l'on sait, celle de Saussure : elle a subi depuis lors - bien des modifications, comme il arrive dans les sciences naturelles, car l'absolu n'y existe point; mais enfin elle n'a point disparu , et sous des formes nouvelles, sans exclure surtout comme autrefois l'action du feu , elle nous paraît tendre aujourd'hui à renaître dans toute sa force. Constatons donc que sous ce point de vue l'ouvrage de M. d'Aubuisson , aussi bien que ceux de M. de Humboldt, est resté comme un jalon placé sur la route que suit incessamment la science. Peut-être y a-t-il lieu de regretter qu'il ait été moins explicite sur d'autres sujets, qu'il ait donné par exemple si peu de place à la géologie dynamique on n'y voit presque rien en effet sur les causes de la formation des montagnes, sur la question de leur