Annales des Mines (1847, série 4, volume 11) [Image 347]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE

les habitudes de cette population catalane, nourrie pour ainsi dire à se gouverner elle-même; on ne le pouvait du moins sans danger pour la continuité du travail et pour la marche des forges qui en

dépendaient. Il convenait donc de combiner les divers éléments d'administration de manière à ne donner à l'action de l'État qu'une surveillance d'ensemble, qu'une protection presque invisible, en lui ôtant l'embarras et la responsabilité d'une

surveillance individuelle trop difficile. C'est ce que l'on fit en effet par le maintien d'une sorte de magistrature élective, celle des jura ts, usitée depuis longtemps clans cette sorte de cité souterraine pour la police intérieure. En conservant cette espèce de municipe , mais sous le contrôle de l'administra-

tion, et réservant aux ingénieurs la direction des travaux d'art et de recherche, on parvenait ainsi à diriger et sauvegarder cette population turbulente de travailleurs, sans que pour ainsi dire elle se sentît gouverner, sans qu'elle s'aperçût du passage de son état premier à son état nouveau. Au reste, pour ceux qui ont connu intimement M. d'Aubuisson , il serait facile de reconnaître ici l'empreinte d'un des traits de son caractère, je veux

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parler de son respect pour les choses anciennement établies. Très-ardent et très-ferme pour l'établissement d'une réforme nécessaire ou d'une amélioration profitable dans le fond des choses, il n'airuait pas les simples innovations dans la forme, non plus que les secousses brusques dans les habitudes et l'organisation des masses ; sa triste expérience lui en avait fait connaître la gravité. Comme savant , il appréciait dans les rouages mécaniques l'effet désastreux des chocs brusques : c'est avec cette

SUR 1VI. D'AUBUISSON.

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préoccupation du savant qu'il jugeait les mouvements de l'organisation sociale. Malgré la douceur des réformes introduites aux mines de Rancié , M. d'Aubuisson eut néanmoins quelquefois à lutter contre la turbulence des mineurs : il le fit avec la fermeté qui lui était propre. Dans d'autres circonstances il eut à lutter encore, ce qu'il fit avec une fermeté non moins grande, contre des empiétements d'un autre genre, dirigés contre les droits et l'autorité attribués aux ingénieurs. Mais dans tout ceci il fut toujours guidé par l'amour du bien, par l'intérêt de cette population qu'il avait comme sauvée de sa ruine : ce pays lui doit beaucoup, il le sait, et M. d'Aubuisson y était personnellement aimé : sa perte, trente

ans après l'époque dont nous parlons, y fut un véritable deuil. La partie active du service d'ingénieur laissait encore à M. d'Aubuisson quelques loisirs, c'est-àdire quelque temps à utiliser ; il résolut de l'em-

ployer à une uvre de science, à un travail de

longue haleine auquel il avait songé depuis sa rentrée en France. Il voulait résumer dans un ouvrage

complet et méthodique les principales connaissances de ce temps en géologie, et particulièrement celles que l'on devait à l'école qu'il affection-

nait, celle de Freiberg. Il y travailla plusieurs années et enfin en 1819 parut son Traité de géognosie. Il ne m'appartient pas, il m'appartient peut-être moins qu'à un autre, de donner une opinion sur ce bel ouvrage, et cela serait sans doute superflu,

car il est peu de géologues qui n'en aient fait rétude et qui ne l'aient encore entre les mains. Bien des années se sont passées depuis sa publication ,