Annales des Mines (1899, série 9, volume 8, partie administrative) [Image 323]

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JURISPRUDENCE.

dépend de la question de savoir si l'ordonnance de 1820 aie caractère d'un acte administratif ou, au contraire, celui d'un décret réglementaire rendu en vertu d'une délégation du pouvoir législatif ; qu'aux termes des articles 6 et 42 de la loi du 21 avril 1810 les droits à payer par les concessionnaires démines aux propriétaires de la surface doivent être réglés par l'acte de concession ; que ce règlement faitpartie intégrante de cet acte et que, dans le cas où il intervient postérieurement au décret de concession, comme cela a eu lieu pour l'ordonnance de 1820, il en est l'accessoire et le complément nécessaire; qu'il participe de sa nature et constitue dès lors un acte administratif; Considérant qu'on ne saurait à aucun point de vue attribuera l'ordonnance de 1820 le caractère d'une réglementation générale faite par délégation de la puissance législative; qu'elle a, au contraire, un caractère tout à fait individuel et spécial, puisqu'elle ne s'applique qu'aux rapports du concessionnaire d'une mine avec les propriétaires de la surface et qu'elle est restreinte au périmètre de la concession ; Considérant que, pour soustraire l'interprétation de cet acte à la juridiction administrative, on ne saurait se prévaloir de l'article 20 de l'ordonnance aux termes duquel les contestations qui pourront s'élever entre les propriétaires de la surface et le concessionnaire doivent être portées devant les tribunaux civils conformément aux articles 87 à 92 de la loi de 1810 ; que cette disposition qui n'a pu modifier la loi à laquelle elle se réfère n'est indicative de juridiction que pour le fond du litige ; qu'elle n'a nullement trait aux questions préjudicielles que peut l'aire naître l'interprétation des actes administratifs, et qui, en vertu de la séparation des pouvoirs, sont exclusivement du ressort de la juridiction administrative; que la loi de 1810 n'avait pu dérogera cette règle fondamentale de notre droit public que par une disposition expresse accordant à l'autorité judiciaire non seulement le droit de statuer sur les contestations relatives au paiement des redevances, mais encore le pouvoir de procéder elle-même à l'interprétation des actes de concession; Considérant que les appelants prétendent cependant justifier cette exception par des moyens nouveaux tirés de la combinaison de la loi du 28 juillet 1791 avec les travaux préparatoires de la loi du 21 avril 1810 et les rédactions successives dont cette loi a été l'objet; qu'ils soutiennent que cette exception résultait de la loi du 28 juillet 1791, d'après laquelle toutes les contestations relatives aux mines devaient être portées devant les tribunaux

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JURISPRUDENCE.

judiciaires et qu'elle a été confirmée au moins d'une manière implicite par la loi de 1810 ; Considérant, en premier lieu, qu'on ne saurait admettre que la loi du 28 juillet 1791 ait entendu déroger en matière d'interprétation au principe de la séparation des pouvoirs si formellement établis par les décrets des 22 décembre 1789 et 24 août 1790 et inscrit de nouveau dans le décret du 16 fructidor an XÏII, avec la défense la plus expresse faite à l'autorité judiciaire de connaître des actes administratifs; Considérant, d'autre part, que, s'il est vrai que la loi de 1810 renfermait dans sa première rédaction deux articles, 92 et 93, qui réglaient la compétence respective des tribunaux administratifs et des tribunaux judiciaires, ces deux dispositions ont disparu du texte primitif en suite de l'observation faite par Napoléon qu'il fallait renvoyer toutes ces contestations à l'autorité judiciaire, mais qu'elles n'ont été remplacées par aucune autre et que l'on s'est borné à supprimer dans le titre des expertisés tout ce qui est relatif à la juridiction administrative en déclarant applicables en cette matière toutes les dispositions du code ÙJ procédure civile ; qu'il faut en conclure que le principe de ht compétence des tribunaux judiciaires a été ainsi reconnu, mais qu'il n'a été apporté aucune dérogation expresse à la règle de la séparation des pouvoirs, d'après laquelle l'interprétation des actes administratifs n'appartient pas à l'autorité judiciaire; Considérant que la Société civile des tréfonds soutient dans tous les cas que, pour résoudre les questions en litige, il n'est pas nécessaire d'interpréter l'ordonnance de 1820 et qu'il suffit d'appliquer ses dispositions, qui sont claires et précises ; mais qu'il faut reconnaître que l'ordonnance ne renferme sur chacun des cliefs de contestation aucun texte décisif ; que les deux parties ont fait valoir à l'appui de leurs prétentions des raisons graves et des avis contraires de personnes compétentes qui font naître une controverse sérieuse sur le sens et la portée de l'ordonnance et rendent nécessaire son interprétation; Considérant, au surplus, qu'il n'y a pas lieu de recourir pour cette: appréciation à une expertise préalable qui serait inutile, les parties étant d'accord en fait et ayant elles-mêmes nettement précisé les difficultés qui les divisent; Considérant dès lors que c'est avec raison que les premiers juges se sont déclarés incompétents pour statuer sur l'inlerprélation de l'ordonnance de 1820 et ont renvoyé les parties à cet effet devant la juridiction administrative qui doit en connaître, DÉCRETS, 1899.

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