Annales des Mines (1894, série 9, volume 3, partie administrative) [Image 231]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

460

CAISSES DE SECOURS ET DE RETRAITES DES OUVRIERS MINEURS.

L'organisation nouvelle doit entraîner nécessairement la disparition ou tout au moins là transformation des anciennes caisses. Dès qu'il s'agit de retraites, de pensions, en un mot d'arrérages à payer il des échéances déterminées, des difficultés considérables surgissent quand il n'y a pas de capitaux ou de réserves pour faire le service de ces arrérages. C'était là, en effet, un des vices les plus fréquents et les plus graves des anciennes institutions; on vivait au jour le jour, faisant face aux pensions à payer dans l'année par les cotisations ou les subventions annuelles, sans qu'il y eût constitution d'aucune réserve. Aussi la transformation obligée de ces anciennes institutions a-t-elle attiré tout particulièrement l'attention du législateur. Il s'est spécialement préoccupé d'assurer la continuation du service des pensions acquises et de ménager aussi scrupuleusement que possible les droits éventuels, c'est-à-dire les droits à des pensions en cours d'acquisition. La tâche était singulièrement malaisée en raison même des conditions si variables et si particulières dans lesquelles de pareilles pensions pouvaient être acquises et servies suivant les entreprises. La loi a distingué dans l'organisation des caisses et dans leur liquidation deux grandes catégories. La première comprend ce qu'on a nommé les institutions patronales, dont traitent les articles 21 et 22 de la loi du 29 juin 1894; ce sont celles dont le fonctionnement était à la charge exclusive de l'exploitant. Vous n'aurez pas à vous en occuper. Aussi me bornerai-je simplement à rappeler que le système adopté est celui de la superposition; cela veut dire que l'ancienne institution ne fonctionnera plus pour les ouvriers embauchés après la loi, mais que ses avantages subsisteront, dans les conditions du règlement ancien, pour les ouvriers embauchés antérieurement, sauf compensation éventuelle avec les avantages du nouveau régime. L'autre catégorie comprend ce qu'on désigne plus spécialement sous le nom de caisses. Ce sont les institutions qui étaient alimentées simultanément par des retenues sur les salaires des ouvriers et par des versements de l'exploitant. Elles relèvent de votre compétence et solliciteront vos soins et vos efforts. Dans la situation financière où elles se trouvaient et que j'ai caractérisée sous sa forme la plus générale, une, liquidation opérée selon les conditions habituelles du droit commun ne pouvait généralement conduire qu'à un désastre; le désastre aurait été d'autant plus déplorable qu'il aurait atteint les mal-

461

beureux les plus intéressants, les ouvriers âgés, les invalides, les veuves et les orphelins, puisque la caisse à liquider est vide, en fait, et ne vit que de rentrées annuelles qui doivent cesser avec l'arrêt de l'institution ou que l'on ne pourrait recouvrer. Pour éviter un aussi fâcheux résultat, le législateur, par l'article 24 de la loi, a convié les deux parties, l'exploitant d'une part, les ouvriers de l'autre, à se mettre d'accord sur les moyens de ménager au mieux tous les intérêts ainsi mis en cause. Cet article consacre une double innovation qui ne laisse pas d'être hardie sous certains rapports. La majorité des ouvriers, régulièrement exprimée et constatée dans les formes fixées par le règlement d'administration publique du 25 juillet, engage leur universalité; et cette majorité peut, si elle s'entend avec l'exploitant, substituer légalement un nouveau règlement, un nouveau contrat à l'ancien, par une véritable novation qui s'impose à tous comme si chacun l'avait acceptée, ce nouveau règlement établissant pour l'avenir les moyens de servir les pensions acquises et de régler les droits en cours d'acquisition. Mais quel que soit l'intérêt qui s'attache pour tous à une pareille entente, il faudrait se leurrer d'une illusion singulière pour croire qu'ils y arriveront aisément. Trop souvent, en effet, dans de pareilles discussions, des questions secondaires, même et surtout peut-être les inspirations d'un faux amour-propre, empêchent les parties d'aboutir directement à un accord. C'est alors que peut intervenir utilement un tiers, qui leur offre par sa compétence et par son désintéressement toutes les garanties désirables d'impartialité. Ce tiers, dans l'espèce, c'est votre commission. Si les ouvriers et l'exploitant n'ont pas réussi à s'entendre directement, ils peuvent convenir de recourir à vous, et s'ils prennent cette résolution dans les formes régulières fixées par le décret du 25 juillet, vous vous trouverez substitués à eux avec un mandat et des droits que cette substitution définit et caractérise. Vous avez donc pleins pouvoirs, comme les parties ellesmêmes, mais en leur lieu et place, pour établir par un règlement, par un contrat nouveau, les mesures que vous jugerez, dans votre âme et conscience, selon.les circonstances de chaque affaire, les meilleures et les plus sûres pour atteindre le but poursuivi.