Annales des Mines (1853, série 5, volume 2, partie administrative) [Image 58]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

110

JURISPRUDENCE.

étudié des plans d'établissements métallurgiques en Algérie et expédié pour essais, en France, à diverses usines, près d'un million de kilogrammes de minerais bruts ; que pendant longtemps ils avaient été entravés dans ces travaux par des propriétaires du sol qui s'opposaient à l'enlèvement du minerai, et qu'au moment où ils venaient enfin de vaincre toutes ces difficultés, et après avoir dépensé en essais, en achat de matériel plus de 200.000 fr., ils avaient vu leurs efforts paralysés par la révolution de février qui était venue arrêter d'un seul coup toutes les industries. En outre, ils ont représenté qu'aux termes de l'article Z19 de la loi du 21 avril 1810 et de l'article iode la loi du 27 avril 1808, il ne pouvait y avoir lieu à révocation d'une concession qu'autant que la suspension des travaux compromettait la sûreté publique ou les besoins des consommateurs, et que ces circonstances ne se rencontraient pas dans l'espèce, qu'aucune plainte n'avait été formée par des tiers, etc. Enfin, ils ont demandé que leurs pourvois fussent joints comme reposant sur les mêmes moyens de défense. Aux griefs allégués par ces concessionnaires le ministre de la guerre a répondu que les concessions de mines en Algérie présentaient un caractère particulier; que leur inexploitation, si elle ne compromettait pas directement les besoins des consommateurs, n'en portait pas moins un très-grand préjudice aux intérêts publics ; que ces concessions étaient accordées en vue surtout de favoriser le développement de la colonisation , de créer sur le sol africain des sources de travail, des établissements industriels qui appelassent autour d'eux la population, y fissent naître les arts, le commerce ; que l'inaction des concessionnaires empêchait tous ces avantages de se produire et que par conséquent elle devenait passible de la peine de révocation portée par les articles précités de la loi de 1810 et de la loi de i858. Le ministre a pareillement combattu les motifs invoqués par les requérants pour établir que la suspension de leurs travaux provenait d'une cause de force majeure. Il a fait observer que les concessions qui leur ont été octroyées dataient du 9 novembre 1845;,que les cahiers des charges enjoignaient aux titulaires d'achever dans un délai de six mois l'exploitation et la reconnaissance des gîtes concédés et de fournir à l'administration dans ce même délai leur projet d'exploitation ; qu'ainsi ils

JURISPRUDENCE.

11 1

avaient eu à remplir ces obligations bien avant que survînt la révolution de février, et qu'ils ne pouvaient en conséquence alléguer comme empêchement la crise de cette époque ; que quant aux autres études dont ils parlaient, elles auraient pu également être faites beaucoup plus tôt; qu'il ne fallait certainement pas cinq années pour les accomplir; qu'au surplus les concessionnaires auraient dû, lors des mises en demeures qui leur ont été signifiées à deux reprises différentes, informer l'autorité des essais qu'ils s'occupaient d'entreprendre, des obstacles qu'ils éprouvaient; qu'au contraire ils avaient, par leur silence, semblé ne tenir nul compte des avertissements qui leur étaient donnés; qu'en cet état de choses l'administration, d'après les rapports des ingénieurs des mines et des autres fonctionnaires de l'Algérie, qui constataient qu'aucun travail souterrain n'était entrepris dans les trois concessions, avait regardé comme de son devoir de retirer ces concessions dont on paraissait persister à ne vouloir faire aucun usage. A l'égard delà demande en jonction des pourvois, le ministre de la guerre l'a repoussée comme tendant à établir entre les propriétaires des trois concessions une solidarité et une sorte d'association contraires aux dispositions des ordonnances institutives, d'après lesquelles il est interdit aux concessionnaires de se réunir sans une autorisation spéciale du gouvernement. Le conseil d'état a accueilli sur ce chef les observations du département de la guerre; il a rejeté les conclusions des réclamants sur les fins de jonction et sur les dépens. Mais sur le fond, il lui a paru que les circonstances alléguées par les réclamants constituaient réellement une cause légitime de la suspension des travaux; que plusieurs des faits exposés dans la requête avaient pu ne pas être complètement connus par le département de la guerre à l'époque du retrait des concessions, et, en conséquence, statuant par trois arrêts distincts, il a annulé les décisions qui avaient révoqué lesdites concessions. Nous ne rapporterons ici que l'arrêt relatif à la concession de Bou-tlamra, les deux autres arrêts étant entièrement semblables à celui-ci : « Vu la requête sommaire présentée au nom du sieur LouisDidier Péron, propriétaire, demeurant à Paris, ladite requête tendant à ce qu'il plaise annuler un arrêté du ministre de la