Annales des Mines (1914, série 11, volume 5) [Image 221]

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LES GAZ RARES DES GRISOUS

On prévoit, ainsi, que tous les gaz issus du sein de la terre: gaz thermaux, grisous, gaz de pétroles, gaz volcaniques, etc., devront contenir une certaine proportion de cet azote brut, et c'est là une prévision que l'expérience vérifie complètement. 5° L'azote brut des mélanges naturels, nous ne saurions trop le répéter, se reconnaît partout et toujours à sa marque de fabrique : l'inertie chimique de l'azote, de l'argon, du krypton et du xénon, et la propriété que possèdent ces gaz d'être difficilement liquéfiables, font que chacun de leurs rapports quantitatifs mutuels présente, dans les différents mélanges, une valeur toujours voisine de la valeur moyenne correspondante. Cette loi de constance ne peut être altérée que par des processus physiques : occlusion, dissolution, diffusion, etc., c'est-à-dire entre des limites peu étendues. Nous avons observé, en fait, quelques écarts relativement notables dans les grisous. Cela n'a rien qui doive nous surprendre, puisque le charbon est une matière susceptible d'absorber les différents gaz dans des proportions fort inégales et, par suite, de leur faire subir un véritable fractionnement (*) . Ailleurs, le fractionnement naturel peut être opéré par diffusion, par dissolution, etc., et les effets produits varieront suivant les conditions de température et de pression, suivant la nature du solvant, etc. A la réflexion, on voit donc que ce serait la constance rigoureuse des rapports qui devrait nous surprendre. 6° Nous venons, en ce qui concerne les légères variations des rapports mutuels entre l'azote, l'argon, le krypton et le xénon, de considérer les mélanges naturels dans leur ensemble. Un intérêt particulier s'attache à la com-

(*) On se souvient que c'est précisément sur cette propriété que reposent nos méthodes de détermination qualitative et quantitative des différents gaz rares.

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paraison, au même point de vue, des mélanges souterrains et de l'air atmosphérique. On sait que l'atmosphère externe de la Terre se raréfie à mesure qu'on s'élève. La distribution de chaque gaz en hauteur obéit, théoriquement, à une loi exponentielle, laquelle, avec des coefficients différents, est de mémo forme pour tous. Conformément à cette loi, la teneur de l'air en gaz légers croît avec l'altitude, tandis que les gaz lourds se concentrent dans les basses régions. D'un autre côté, ainsi que la Mécanique permet de ledémontrer, toutes les molécules qui, dans les couches extérieures de notre atmosphère, sont animées d'une vitesse d'au moins ll km ,2 par seconde et se dirigent vers l'espace, doivent échapper à l'attraction terrestre. Or les gaz les plus légers étant ceux dont la vitesse moyenne des molécules est la plus élevée et dont la concentration dans ces régions est en même temps la plus forte,, on voit que les molécules susceptibles de quitter l'atmosphère sont plus nombreuses pour ces gaz que pour les gaz plus lourds. Il se produit donc ainsi une distillation continue et fractionnée de gaz des basses régions vers les hautes régions, et de celles-ci vers les espaces célestes. On comprend qu'en vertu de ce mécanisme la teneur de l'air en gaz lourds doit croître avec le temps ('). Si cette manière de voir est exacte, le rapport xénon-argon, par exemple, doit être plus grand dans l'air actuel qu'il ne l'était dans l'air initial (**). Or, d'après notre hypothèse astrophysique, l'azote brut des mélanges gazeux souterrains n'est autre que celui de l'air (*) On peut ajouter que l'atmosphère ultime de la Terre, nécessairement très raréfiée, devra être constituée surtout par le gaz le plus lourd, qui est le xénon (nous faisons abstraction ici de l'émanation du radium ou niton, gaz qui est plus dense encore que le xénon). (**) Notre attention a été appelée sur les relations de composition entre l'air initial et l'air actuel, à la suite de quelques remarques que nous a aimablement faites M. Georges Urbain.