Annales des Mines (1913, série 11, volume 4) [Image 81]

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NOTE SUR LES « FERRIERS » DE L'YONNE.

11 existe dans l'Yonne des amoncellements de scories considérables provenant d'une très ancienne industrie sidérurgique n'ayant laissé aucun autre vestige. Ces amoncellements, appelés « ferriers», sont repris aujourd'hui et exploités comme minerais de 'seconde main pour être expédiés et traités en Meurthe-etMoselle. Leur .importance impressionne quand on songe aux faibles moyens dont disposaient les anciens. Ce sont des témoins de longs siècles d'une industrie abolie. On les rencontre sur les plateaux tertiaires du Sénonais, delà Puisaye et du Gàtinais, sur les argiles à sables et silex surmontant la craie et attribuées au Sparnacien par les uns, ou à un niveau plus récent, Burdigalien, par les autres. Ces assises seraient en tous cas le résidu de la décalcification de la craie; elles contiendraient, d'après les auteurs de la carte géologique, notamment vers leur partie inférieure, du fer hydroxydé en rognons et en pisolithes qui aurait fourni le minerai traité par les anciens et ayant donné les ferriers. Les recherches faites dans la région n'ont nulle part relevé aucune trace de ce minerai. La richesse en fer et manganèse des scories, de 36 p. 100 en moyenne, accuse,, l'emploi de procédés d'élaboration très primitifs. Des débris de poteries et des pièces de monnaie trouvées, paraît-il, dans certains ferriers, dateraient leur formation de l'époque gallo-romaine. Il n'est pas douteux qu'ils sont très anciens : de nombreux documents provenant des archives des évêchés de Sens et d'Auxerre et datant du moyen âge (1333 à 1531) ont trait à des transactions concernant l'extraction de la «myne ou laitier pour faire mine à fer qu'on menait àla forge de Croisy » (1480). Cette dernière citation semble indiquer que déjà, en 1480, on exploitait et traitait ces laitiers pour fer. On trouve des « ferriers » en de nombreux points du département, notamment dans les régions forestières : dans l'arrondissement d'Auxerre, à Tannerre-en-Puisaye, Villiers-Saint-

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Benoit, Dracy, Toucy, Mézilles, Sommecaise, Aillant-sur-Tholon. La Ferté-Loupière; dans l'arrondissement de Sens (Gàtinais), à Cheroy, Montracher et Saint-Sérotin ; et dans le pays d'Othe (Sens et Joigny), à Joigny, Saint-Julien-du-Sault, Dilo, Arces, Courgenay et Sormery. Un grand nombre de ces amas ont été éventrés depuis longtemps et les scories utilisées pour empierrement et ballast suide grandes étendues. Quelques-uns sont actuellement exploités comme minerai de fer àTannerre-en-Puisaye ; ils affectent la forme de monticules de 10 à 12 mètres de hauteur, disposés en chaînes plus ou moins parallèles et continues de 50 à 130 mètres de longueur. On peut estimer à plus de 50 hectares la surface qu'ils couvrent autour de Tannerre et à plus de 000.000 tonnes la quantité de scories qu'ils contiennent. Leur structure, mise en évidence par les travaux d'exploitation, est celle des dépôts de remblais, faite de couches inclinées à 45°, au talus naturel de terres versées du haut d'une plate-forme. Ces strates successives sont tantôt des scories, des laitiers, ou des débris d'argile cuite, englobées, pénétrées par les terres superficielles. La végétation a recouvert ces amoncellements et la forêt a depuis longtemps repris possession du tout. De nombreuses plaquettes de scories ou de laitiers lavées par les pluies les décèlent en surface. On trouve aussi, avec des débris de poteries, des briques de section elliptique, percées de trous ronds divergents paraissant constituer d'anciennes tuyères de bas foyer. L'un de ces derniers aurait même, parait-il, été découvert au milieu d'unferrier; i) a été détruit. 11 existe encore, dans ces amoncellements, d'anciens chemins de roulement formés d'assises horizontales successives d'un béton de scories agglutinées par un ciment et semblables aux -voies romaines. Les éléments de ces ferriers sont par ordre de valeur : La terre et les arijites cuites; ■ Le laitier vert et bleuâtre, poreux ou compact, ressemblant aux laitiers ordinaires de fonderie, et les scories plus ou moins lourdes «triches en fer. On observe d'ailleurs toute la gamme depuis la scorie lourde, gris ardoise métallique, et tout à fait semblable à oellf: des ateliers de puddlage, jusqu'au laitier vert olive et poreux. On a cru remarquer que certains petits monticules étaient exclusivement composés de scories plus riches que les autres; ee qui semblerait indiquer des résidus d'un deuxième affinage.