Annales des Mines (1910, série 10, volume 18) [Image 93]

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EXPÉRIENCES SUR LES POUSSIERES DE HOUILLE ET SUR LES MOYENS DE COMBATTRE LEURS DANGERS

l'on ne peut guère compter sur le procédé du dépoussiérage comme arme unique contre ce danger. Les conclusions sont différentes si l'on réalise le dépoussiérage par un arrosage intensif. Il est évident que si l'on verse assez d'eau sur les poussières pour les convertir en boue fluide, la propagation devient impossible. Si l'on met 10 grammes de poussières très fines dans une éprouvette et qu'on y ajoute de l'eau par petites portions, en agitant-longtemps et soigneusement, on constate d'abord que l'eau se sépare en gouttes sphériques revêtues d'une pellicule poussiéreuse et ne mouille pas la masse ; elle s'incorpore cependant par une agitation suffisante, et dès qu'il y a 3 ou 4 centimètres cubes d'eau, les 10 grammes de poussières humides n'ont plus l'aspect aussi pulvérulent ; elles tendent à s'agglomérer : l'agglomération n'est complète que lorsqu'il y a un poids d'eau à peu près égal au poids de poussières ; la boue pâteuse ne se forme que lorsqu'on ajoute encore 50 p. 100 d'eau ; elle devient fluide quand le poids d'eau est double du poids de poussières. En cet état, il n'est point besoin d'expériences pour décider si la poussière est ou non inflammable. Mais, en pratique, le mélange se fait mal, et quand on verse de l'eau sur une aire poussiéreuse, on constate que la poussière esta peine mouillée ; par suite des irrégularités de versement, une partie échappe aux projections d'eau ; une partie flotte sur l'eau. On pouvait se demander si, dans ces conditions, l'arrosage serait efficace, même avec un fort excès d'eau. Nos expériences ont déterminé le degré d'efficacité de l'arrosage. L'eau libre paraît assez bien entraver le soulèvement de la poussière avant le tir, à condition, bien entendu que ces deux éléments soient tout voisins et que la proportion d'eau soit suffisante. Si la quantité de pous-

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sières ne dépasse pas 450 grammes par mètre cube d'air, un poids égal d'eau s'est montré suffisant pour empêcher l'explosion de se généraliser, dans le cas où l'inflammation initiale a pu se produire; d'autre part, cette inflammation est rendue difficile par l'arrosage devant le trou de mine, et l'eau agit d'autant plus efficacement qu'elle est plus voisine du trou. Il n'est point douteux que l'action de l'eau s'exerce non seulement en entravant le soulèvement des poussières de manière à amener la densité du nuage vers la limite inférieure d'inflammabilité, mais encore en refroidissant la flamme. Cette double influence est d'autant plus efficace que les causes de soulèvement sont moins énergiques ou que la flamme à éteindre est moins chaude ; aussi faut-il plus d'eau pour empêcher l'inflammation initiale de se produire devant une forte détonation d'explosif que pour éviter que cette inflammation initiale ne dégénère en coup de poussières généralisé ; de même il est à prévoir qu'une proportion d'eau relativement forte est également nécessaire pour arrêter un coup de poussièresbien amorcé. C'est ce que paraissent déjà indiquer les grands allongements de flammes obtenus lorsqu'on a laissé secs les 5 premiers mètres devant le canon; c'est ce que montreront les essais de zones d'arrêt arrosées, exécutés dans la galerie de 230 mètres et dont il sera rendu compte ultérieurement. . Les expériences ci-dessus décrites n'en montrent pas moins que l'arrosage peut empêcher un coup de poussières de prendre naissance sans qu'il soit nécessaire de verser des quantités d'eau excessives ; la difficulté pratique résidedans l'évaporation, qui rend illusoires les bienfaits de l'arrosage, si l'on n'exécute pas cette opération aussitôt avant que survienne la cause d'inflammation, ce qui est possible pour le coup de mine, mais non pour le coup de grisou, ou si on ne la renouvelle pas très fréquemment.