Annales des Mines (1908, série 10, volume 13) [Image 151]

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nion constante. Il a pris pour lui-même la partie la plus difficile : la zone frontière entre le massif d'Ambin et le Petit-Saint-Bernard. Dès la fin de la campagne de 1893, les grands problèmes sont résolus, autant, du moins, que l'on pouvait, à cette époque-là, les résoudre ; et le Mémoire que Marcel Bertrand publie, en 1894, sur la géologie des Alpes françaises, est un des.plus beaux et des plus importants qu'il ait laissés. Mais, pas plus que la Provence, les Alpes n'absorberont son activité entière. De même que, en 1888, en pleine étude des recouvrements provençaux, il s'occupait de chercher une relation entre les phénomènes éruptifs et la formation des montagnes, et de découvrir une loi dans la distribution en Europe des roches éruptives, nous le voyons, en 1892, alors qu'il a l'esprit rempli de pensées alpines, s'attaquer au redoutable problème de la déformation de l'écorce terrestre, énoncer le principe de la continuité du phénomène de plissement dans le bassin de Paris ~ visiter les montagnes de l'Ecosse à l'occasion du meeting, à Edimbourg, de la British Association for the Advancement of Science, et nous donner à la suite de cette visite un résumé des travaux des géologues écossais. En 1893, il publie aux Anna/es des Mines un Mémoire sur le raccordement des bassins houillers du nord de la France et du sud de l'Angleterre, où il fait application de ses idées sur la continuité du phénomène de plissement. C'est l'occasion, pour lui, de recevoir une deuxième récompense de l'Académie des Sciences, le prix Petit-d'Ormoy. En 1894, il trace les lignes directrices de la géologie de la France et montre que ces lignes s'ordonnent en un réseau sensiblement orthogonal ; et c'est dans cette même année 1894 qu'il fait, devant le Congrès géologique international réuni à Zurich, une conférence, d'une étonnante originalité, sur la récurrence des faciès sédinientaires. Il montre ces faciès se répétant,

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trait pour trait, dans les chaînes de montagnes successives. Aux trois chaînes dont il parlait en 1887, une quatrième, grâce aux travaux des géologues américains, s'est ajoutée, beaucoup plus ancienne que les trois autres, et qui s'appellera la chaîne huronienne. Et la conclusion, longuement acclamée, de la conférence, c'est que ces quatre chaînes constituent les quatre grands chapitres, les quatre unités de l'histoire du globe, et qu'autour des différentes phases de leur formation tous les phénomènes, tectoniques, sédinientaires et éruptifs, s'ordonnent harmonieusement. La publication aux Annales des Mines d'un .deuxième Mémoire sur le bassin houiller du Nord et sur le Boulonnais, rectifiant et complétant la première esquisse des plis des terrains crétacés, termine enfin l'année 1894, qui me semble marquer dans la vie de Marcel Bertrand la période de plus grande maîtrise, celle où toutes les facultés, physiques et intellectuelles, sont à leur apogée et où la production scientifique est plus active que jamais. En 1895, il revient à la Provence. De nouveaux problèmes y ont surgi, nés d'une connaissance plus exacte des régions voisines, d'un besoin de synthèse plus impérieux chaque jour dans cet esprit qui chaque jour s'agrandit, et de la rencontre, enfin, d'un contradicteur redoutable qui ne craint pas de tout remettre en question. Les objections de ce contradicteur sont si serrées et si spécieuses, l'audace est si grande avec laquelle il conteste, non seulement la justesse des déductions de son devancier, mais même l'exactitude de ses observations, que Marcel Bertrand craint, un instant, de s'être trompé du tout au tout sur la structure provençale. Avant de répondre, il veut tout revoir, non seulement le massif d'AUauch au suj et duquel il est plus particulièrement attaqué, mais les points où les recouvrements et les charriages lui ont paru évidents, c'est-à-dire le Beausset et Saint-Zacharie. Il revient rassuré. « J'ai eu grand'peur — me disait-il Tome XIII, 1908.

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