Annales des Mines (1907, série 10, volume 12) [Image 235]

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LA CATASTROPHE DE COURRIERES

rage ; condamnant définitivement le puits n° 3 comme voie de pénétration et de sauvetage, on le transformait de puits d'entrée de l'air en puits de sortie, on abandonnait du même coup les puits 4 et H, et cependant, le jour de la catastrophe, à dix heures du soir, des travailleurs étaient remontés vivants par ces fosses. » Et plus loin : Le renversement de l'aérage eut pour résultat de rendre inaccessible le n° 3 et, s'il n'a pas été nuisible aux survivants, il a pu avoir pour résultat de vicier l'air de certains quartiers en cul-de-sac où il était demeuré jusque-là respirable. La majorité de la commission doit rappeler d'abord que le renversement de l'aérage n'a été décidé, le 11 mars dans la soirée, qu'après que les hommes connaissant le mieux la mine eurent positivement déclaré qu'il n'y restait plus de vivants, tout au moins dans les parties encore accessibles de la fosse 3. Elle doit rappeler ensuite qu'une considération s'imposait dans les travaux à entreprendre tant pour l'enlèvement des cadavres que pour le sauvetage éventuel de survivants : il fallait aller le plus rapidement possible, par la voie la meilleure, la mieux aérée, au feu originaire du 3, pour le reconnaître et prendre les mesures propres à éviter qu'il ne provoquât une nouvelle explosion. Enfin l'expérience venait de démontrer à nouveau l'exactitude de la règle d'après laquelle on ne peut faire un sauvetage, après un coup de feu, qu'en suivant le courant d'air frais : deux sauveteurs avaient, en effet, été asphyxiés le 10, à la fosse il, en s'avançant dans le sens inverse du courant allant de la fosse 3 vers la fosse 4, Les autres sauveteurs étaient partout arrêtés par le mauvais air plus encore que par les éboulements. Lors même que l'on aurait encore cru à la présence de survivants, il aurait été absolument impossible d'aller à leur secours sans débarrasser les voies principales du mauvais air qui les rendait inaccessibles.

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Dès lors le puits n° 3 ne pouvant servir qu'au passage de l'air, dans un sens ou dans l'autre, et non au passage des hommes, il était tout à fait rationnel de le transformer en puits de sortie d'air et de lui faire aspirer les fumées et les gaz irrespirables qui encombraient les fosses 2 et 4, en faisant de celles-ci des puits d'entrée d'air. Le renversement du courant d'air et la fermeture du puits 3 par un plancher étanche qui en était la condition nécessaire ne prêtent, en conséquence, à aucune critique quelconque. De plus, ni en théorie, ni en fait, ce renversement ne pouvait nuire aux ouvriers survivants. Ces ouvriers ne pouvaient avoir échappé à l'asphyxie qu'à la condition d'être restés dans des quartiers aérés, depuis la catastrophe, par simple diffusion ; peu importait dès lors que le courant d'air passât devant la voie d'accès à leur quartier dans un sens ou dans l'autre. Et, en fait, l'aspiration par la fosse 3 a certainement contribué pour une grande part à débarrasser du mauvais air les bowettes Sud de la fosse et à délivrer ainsi les ouvriers emprisonnés dans le quartier Sud par les gaz irrespirables qui, au début de leur captivité, les empêchèrent d'en sortir et qui empêchèrent également les sauveteurs de parvenir jusqu'à eux le dimanche 11 mars. Lorsque, dans la soirée du 12 mars, les ingénieurs se furent rendu compte de l'impossibilité pratique de renverser l'aérage de la fosse 4, par suite de l'insuffisance du ventilateur du 3, pour tirer à la fois sur les fosses 2 et 4, c'est encore à bon droit qu'ils se résignèrent à maintenir le puits 4 comme puits de sortie, concurremment avec le puits 3, et à assurer ainsi une bonne entrée d'air par le puits 2. Le choix entre celui des deux puits 2 et 4 qu il fallait temporairement condamner à être puits de sortie ne comportait, en effet, aucune hésitation et la rentrée par le 2 était infiniment plus indiquée que la rentrée par le 4.