Annales des Mines (1907, série 10, volume 12) [Image 234]

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LA CATASTROPHE DE COURRIÈRES

venait à dévier après avoir heurté une poutre inclinée un peu résistante, il pouvait aller crever, sinon le cuvelage, qui s'arrête à 97 mètres du jour, du moins la maçonnerie du puits au-dessous du cuvelage, et en provoquer l'effondrement, qui aurait définitivement empêché toute utilisation du puits pour la suite des opérations de sauvetage. Deux membres de la commission, MM. Cordier et Evrard, ont formulé dans les termes suivants leur opinion sur la question : « Nous avons noté avec regret que M. Bar, ingénieur en chef de la Compagnie de Courrières, a repoussé la proposition de M. Reumaux, ingénieur, agent général des mines de Lens, qui, aussitôt après la catastrophe, dès son arrivée sur le lieu du sinistre, demandait que l'on défonçât l'enchevêtrement de poutres et de planches qui, à la suite de l'explosion, formait plancher à 170 mètres de profondeur et obstruait complètement le puits n° 3. La faute, à notre sens, est d'autant plus lourde que M. Bar n'objectait que la crainte de voir endommager le cuvelage qui, à cette profondeur, n'existe plus. M. l'ingénieur en chef des travaux du fond Petitjean, le délégué mineur Simon, l'ouvrier mineur Vincent, M. Thiéry, directeur de la Compagnie des mines de Douchy, ont, de leur côté, déploré que l'on ne procédât pas à l'ouverture du puits n° 3, soit par la dynamite, soit par l'envoi d'un poids lourd, cette voie devant être la plus favorable pour les explorations de sauvetage, qui devait être recherchée par les survivants. Les événements qui suivirent confirmèrent du reste ces vues. » Et plus loin : « Nous sommes amenés à conclure que, du fait du refus de M. Bar de laisser briser l'obstacleplancher qui obstruait le puits n° 3,1a Compagnie de Courrières a encouru la plus grave responsabilité, commettant ainsi la faute inexcusable. » Les quatre autres membres de la commission ne sau-

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raient accepter cettè manière de voir. L'utilisation du puits 3 pour le sauvetage immédiat des survivants, qui devaient naturellement, s'ils le pouvaient, se réfugier aux abords de ce puits, devait paraître sans intérêt, après l'exploration du dimanche 11 mars, dans laquelle on avait visité, sans y trouver aucun survivant, tous les accrochages du puits. Eût-on réussi à descendre par le puits 3, au lieu d'y parvenir par le puits 2, on n'aurait pu aller plus loin contre le mauvais air. D'autre part, la conservation du puits n° 3 comme puits d'aérage, à défaut de son emploi comme puits de circulation, présentait pour le sauvetage une importance capitale. Or on connaît, par des exemples historiques, l'énormité des dégâts que peut causer un objet pesant tombant dans un puits ; il peut en amener l'obstruction définitive et irréparable. Il y a lieu d'ailleurs de remarquer qu'au cas, nullement improbable, où l'emploi de moyens violents aurait aggravé la situation au lieu de l'améliorer, on aurait, à bon droit, reproché cet emploi aux ingénieurs qui en auraient assumé la responsabilité. La majorité de la commission estime, en conséquence, que la décision prise par les ingénieurs, lorsqu'ils renoncèrent à l'emploi de moyens violents pourtenterde dégager le puits 3, ne peut être critiquée. Elle croit à peine nécessaire de relever l'erreur commise par MM. Cordier et Evrard au sujet du rôle qu'ils attribuent a M. Bar. Celui-ci, ingénieur en chef de la Compagnie de Courrières, a naturellement été amené a émettre un avis; il n'avait pas, dans la circonstance, de décision à prendre. En ce qui concerne le renversement de l'aérage, MM. Cordier et Evrard 1' apprécient comme suit : « C'est dans ces conditions que, partant de cette idée fausse qu'il ne pouvait plus y avoir de survivants, alors que des précédents mémorables obligeaient à garder malgré tout toutes espérances, on se décida au renversement de l'aé-