Annales des Mines (1907, série 10, volume 11) [Image 126]

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DISCOURS PRONONCÉS AUX FUNÉRAILLES

DE M. DE CASTELNAU

la lutte contre les dangers de la mine et contre le grisou en particulier. Puis, à Alais, dans un de nos districts les plus importants, il achevait de se familiariser dans toutes les particularités de notre art avec cette attention éveillée et ce soin méticuleux qu'il apporta à toutes les choses dont il fut chargé ; et pour qu'il n'ignorât rien du monde souterrain, de même qu'à Graissessac il avait connu le grisou et ses manifestations les plus violentes, il eut à Rochebelle à organiser la lutte contre les premières manifestations des dégagements instantanés d'acide carbonique, plus rares, mais non moins terribles pour le mineur. En même temps que son autorité technique s'affirmait, son autorité morale et personnelle se révélait par des traits de nature à le mettre singulièrement en relief. N'en est-ce pas un exceptionnel que celui d'un ingénieur au Corps des Mines, relativement encore jeune, qui, sans avoir jamais rien fait pour flatter les ouvriers, représentant plutôt par son origine et sa situation des idées qui pouvaient paraître opposées aux leurs, avait su conquérir à ce point leur confiance que, lors de la débâcle financière de la Société de Terrenoire et Bessèges, les ouvriers l'imposaient en quelque sorte à l'Administration pour être le défenseur de leurs intérêts compromis dans ce désastre ? Promu Ingénieur en Chef à Rodez en 1887, au lendemain des grèves qui avaient tristement ensanglanté les mines de Decazeville, il semblait que sa vie fût fixée, avec un de ces services dont l'importance minière était pour lui plaire et des difficultés de nature à alimenter utilement son activité ; il réalisait, d'autre part, le rêve de s'établir définitivement dans ce Rouergue qui lui fut toujours si cher et auquel le rattachait le double lien de son mariage et de l'ancienneté de sa famille. Mais la haute conception qu'il eut toujours du devoir lui fit

renoncer à tous ces avantages matériels pour accepter au premier appel, non sans regret incontestablement — et il n'en avait que plus de mérite — mais sans murmure, la tâche difficile que l'Administration tint à lui confier, en 1891, à Saint-Etienne, dans des circonstances et pour un but que ne peut avoir oublié nul de ceux qui connaissent l'histoire des mines en France, des catastrophes dont elles ont été le théâtre, des efforts qu'il a fallu faire pour les diminuer, si l'on ne peut être assuré de les éviter toujours; cette tâche était rendue encore plus lourde par la réunion, qu'il était devenu nécessaire de réaliser, de la Direction de l'Ecole des Mines à celle du service ordinaire. Nul non plus ne peut avoir oublié avec quelle maîtrise et quels heureux résultats de Castelnau sut remplir cette double mission, malgré diverses résistances qu'il rencontra. C'est là, après six ans de dur labeur qui l'avaient classé au tout premier rang, que l'industrie privée vint nous le prendre pour lui confier des intérêts d'une tout autre nature. S'il ne m'appartiendrait pas de vous dire quels efforts il eut à déployer dans cette nouvelle orientation de sa vie et quels résultats il a obtenus, la commune renommée a suffi pour nous apprendre qu'il sut être aussi habile qu'heureux dans la gestion des plus grandes exploitations du Midi comme du Nord, malgré leur diversité de conditions. Par un exemple éclatant, il aura montré qu'on peut être d'abord un ferme surveillant, un contrôleur énergique des industriels, le modèle, pourrais-je dire, des ingénieurs des mines de l'État, et devenir ensuite un excellent serviteur de l'industrie privée. Il faut pour cela avoir, ici et là, avec une âme un peu relevée, la nette conscience de chacun des devoirs qu'on a à remplir ; notre ami avait l'une et l'autre au suprême degré. Il y ajoutait des dons de premier ordre : une puissance de travail et une constance d'application incomparables ; une connais-

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