Annales des Mines (1902, série 10, volume 2) [Image 204]

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BULLETIN

BULLETIN

M.Forsyth, de Londres; M. Gravé, de Kiev; M. Picard, de l'Institut de France; M. Schwartz, de Berlin; M. Zeuthen, de Copenhague, ont pris la parole à leur tour, au nom de l'ensemble des délégués ; M. Hensel, rédacteur en chef du Journal allemand de mathématiques pures et appliquées (Journal de Crelle), et M. le professeur Mittag-Leffler, de Stockholm, ont ensuite prononcé quelques paroles. Les délégués ont alors successivement remis au bureau les adresses des Sociétés savantes qu'ils représentaient, adresses rédigées sur de grands parchemins roulés ou sur des albums luxueusement reliés. Des diplômes de docteur de l'Université de Christiania ont été décernés à certains délégués, et un discours de M. le recteur de l'Université a terminé la séance. Le soir, un dîner très bien ordonné, offert parla ville de Christiania, réunissait les délégués dans la salle des fêtes du conseil municipal. Enfin, le dimanche 7 septembre, à sept heures et demie du soir, une représentation de gala, au Théâtre National, était offerte aux délégués; elle comprenait les trois premiers actes de Pecr Gynt, par Ibsen, et une poésie en l'honneur d'Abel, par M. Elling Holst. Toutes ces cérémonies se sont accomplies avec beaucoup d'ordre, de simplicité et de cordialité. Les délégués ont emporté un souvenir reconnaissant de la réception qu'ils ont reçue à Christiania. Dans l'impossibilité de citer les noms de toutes les personnes grâce auxquelles les fêtes d'Abel ont été si agréables, je mentionnerai seulement celui de M. Schibsted, directeur de l'important journal Aftenposten, qui a pris une part très active à l'organisation des fêtes et à la réception des délégués. Le centenaire d'Abel a été l'occasion d'importantes publications: une très belle biographie de l'illustre mathématicien (*) a été distribuée aux délégués. Trois volumes des Acta mathematica, terminés au moment même des fêtes, renfermeront divers mémoires d'Abel et des travaux mathématiques de cinquante auteurs différents pouvant se rattacher à l'œuvre d'Abel. Abel naquitle 5 aoûtl802 et mourut le 6 avril 1829. M. de Sylow a résumé la carrière d'Abel dans un remarquable discours, auquel sont empruntés les détails qui suivent. Au sortir même de l'enfance, étant au lycée de Christiania, d (*) Niels Henrik Abel, Mémorial publié à l'occasion du centenaire de naissance. Ghristiana, Paris (Gauthier- Villars;, Londres et Leipzig.

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attira l'attention de ses maîtres par la facilité avec laquelle il résolvait les problèmes de mathématiques. Bientôt il fallut pour lui des problèmes spéciaux, et son maître, plus tard son intime ami, Holmboe, travailla avec lui les ouvrages d'Euler. Pour ce brillant élève, on put obtenir, à grand'peine, une modeste subvention, qui lui permit un voyage d'études de deux ans, en Allemagne et en F'rance. A Berlin, Abel fit la connaissance de Crelle, qui venait de fonder le Journal de mathématiques pures et appliquées, encore bien connu aujourd'hui, et Abel put présenter ses découvertes au monde des mathématiques dans ce journal. Les yeux s'ouvrirent sur les points faibles des vieilles mathématiques. Il se jeta corps et âme dans le mouvement réformiste déjà commencé ; c'est ainsi que, s'étant occupé de la formule du binôme de Newton, il reconnut qu'on n'avait pas encore traité à fond la question de sa convergence. Il combla cette lacune, et il apporta ainsi d'importantes contributions à la doctrine des séries infinies. Son étude favorite fut la théorie des fonctions algébriques. 11 démontra l'impossibilité de résoudre d'une façon générale, par des radicaux, les équations de degré supérieur au quatrième. Il détermina quelles sont les équations qui se laissent résoudre de la sorte, et il donna les théorèmes généraux les plus importants sur cette matière. Mais la mort l'empêcha de publier ses découvertes, et son successeur Galois dut refaire à nouveau les mêmes découvertes. «Onsait(') maintenant de façon péremptoire que ce ne fut pas Abel qui découvrit le premier les fonctions elliptiques : Gauss avait déjà fait cette découverte lorsque Abel vint au monde, mais il n'avait rien publié à ce sujet. Abel dut refaire cette découverte, et c'est à lui que le monde savant est redevable de la connaissance de ces fonctions. Dès sa première publication sur cette matière, '1 présenta la théorie dans toutes ses parties les plus fondamentales. Ici Abel n'eut pas, comme dans la théorie des équations, de successeurimmédiat, mais un véritable compétiteur au même honneur en la personne de Jacobi, de deux ans plus jeune qu'Abel, qui publia en même temps que lui ses premiers résultats sur la transformation des fonctions elliptiques. Pendant plus d'une année se continua cette lutte remarquable, lutte pendant laquelle le génie d'Abel arracha des paroles d'admiration à son compétiteur.

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(*) Citation extraite textuellement de la traduction du discours de - de Sylow.