Annales des Mines (1902, série 10, volume 2) [Image 149]

Cette page est protégée. Merci de vous identifier avant de transcrire ou de vous créer préalablement un identifiant.

290

BULLETIN

qu'il donne un plan de l'ancienne mine d'Akila el de ses environs : on y voit des habitations minières, des digues et des travaux hydrauliques qui témoignent des difficultés qu'il y avait à alimenter d'eau les centres miniers; on a pu déterminer l'emplacement d'Akita, qui était à l'Est du Nil, à hauteur de Dakka. Sur d'autres mines on possède des renseignements moins précis : un intendant qui vivait sous la XII 0 dynastie (environ 2.500 ans av. J.-C.) raconte, dans sa biographie, qu'il faisait, le transport de l'or sur la route de Cosseïr à Keneh. On sait que l'or fut exploité dans le Wady Abbas, près ltedisiya, dès la XIX dynastie, et dans le Wady Alagi, à l'époque des l'tolémées. Agatharchides, qui vivait vers 150 avant Jésus-Christ, nous fournit quelques renseignements sur le mode d'exploitation et le traitement de l'or. Il raconte que le peuple esclave qui travaillait aux mines séparait l'or du quartz en désagrégeant le minerai par le feu, puis en le broyant et le lavant; les hommes les plus vigoureux étaient employés au fond des galeries où ils abat-, taient le minerai au moyen de marteaux de fer; d'autres travaillaient à l'extérieur et broyaient le quartz ; les enfants et les vieillards effectuaient les transports; les femmes lavaient le minerai broyé sur des tables inclinées; puis l'or était fondu dans des pots de terre avec du plomb, du sel, un peu d'étain et d'argile; après cinq jours de fusion, on séparait le métal précieux. A cet ensemble de documents résultant des documents anciens, il faut joindre; les récits des quelques voyageurs qui, dans les temps modernes, ont traversé la zone désertique et montagneu.-e qui sépare le Nil de la mer Rouge; plusieurs ont précédé M. Alford dans la région des mines d'or; mais les renseignements qu'ils ont rapportés ne permettent pas de résoudre la question de savoir si l'exploitation peut être reprise avec profiL, Les éléments du problème sont les suivants : on a toutes raisons de croire que les mines ne sont pas épuisées ; elles n'ont, en effet, cessé de produire que lorsque les Bédouins sont devenus les maîtres du désert et que, par l'interception des communications et la destruction des travaux hydrauliques, ils ont rendu impraticable toute continuation de l'exploitation. Aujourd'hui que la sécurité se trouve rétablie dans ces régions, rien n'empêche de reprendre les travaux au point où les Égyptiens les ont laissés. Il reste à savoir si on peut le faire avec profit. Il faut considérer que les conditions delà main-d'œuvre se sont profoHs

BULLETIN

291

dément modifiées : les Égyptiens n'employaient que des esclaves, niais les outils étaient primitifs, le travail fort défectueux, et il n'est pas douteux que les progrès de l'outillage moderne ne permettent de compenser l'infériorité résultant de l'accroissement du prix de la main-d'œuvre. Il semble donc que l'on ne puisse rencontrer de véritable obstacle à la reprise de l'exploitation que dans les difficultés locales résultant de la situation et de l'état des mines. M. Ch.-A. Alford est allé, pendant l'hiver 1899-1900, étudier la question sur les lieux mêmes, et il a rapporté de son voyage des renseignements topographiques, géologiques, climatériques et miniers très complets. La région minière est constituée par une chaîne de montagnes, d'une largeur moyenne de 75 kilomètres, qui longe la côte africaine de la mer ftouge ; à l'Ouest de cette chaîne est une zone désertique qui s'étend jusqu'à quelques kilomètres du Nil et dont la largeur, variable avec les sinuosités du fleuve, est de 30 kilomètres à Keneh, 200 kilomètres à Assouan. Les montagnes ont une hauteur moyenne de 500 à 700 mètres avec des sommets élevés qui atteignent parfois 2.500 mètres; elles sont arides et escarpées. Leurs deux flancs, vers la mer Rouge et vers le désert, snnt sillonnés par ce qu'on appelle des wady» •' ce sont des torrents à la saison des pluies, des roules pendant la sécheresse. Un wady a d'abord l'aspect d'un lit de torrent; à mesure qu'il descend, il creuse plus profondément la montagne et finit par s'aplanir au fond de gorges sinueuses où le lit s'étale en sables et graviers; de rares plantes y croissent dans l'intervalle des saisons de pluie et servent de nourriture aux chameaux. A l'automne et au printemps, des pluies abondantes transforment les wadys en - cours d'eau puissants dont les Ilots creusent les lianes de la montagne, puis vont se perdre dans les sables avant même d'avoir atteint le Nil ou la mer Rouge. La constitution géologique de la région est assez complexe. L'axe de la chaîne esl formé de roches cristallines ; on y trouve deux espèces de granités : un granité amphibolique, dont les feldspaths rouges donnent aux principaux sommets de la chaîne une coloration surprenante, el un granité gris à grain lin, très développé, suivi fréquemment par des gneiss, qui se transforment plus loin en schistes micacés. L'ensemble de ces roches cristallines est traversé par des filons et des intrusions de diorite, diabase, felsite, porphyre, et d'un granité blanc à grain très lin. C'est là que se trouvent la plupart des liions de quartz aurifère.