Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 140]

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272 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

à deux micas de la chaîne de Blond, il fut frappé de l'analogie de situation et d'allure que présentaient, avec les anciennes recherches de Vaulry, certaines excavations voisines de Montebras (Creuse), et que les habitants du pays considéraient tantôt comme les restes d'un camp romain, tantôt comme des vestiges d'habitations souterraines ayant servi aux Gaulois. En 1859, il parvint à y découvrir un gros fragment d'étain oxydé, encore adhérent

au quartz. Aussitôt une société se mit à l'oeuvre pour entreprendre l'exploitation du gîte ; et si cette mine n'a pas tenu, au point de vue de l'étain, toutes les espérances qu'elle avait suscitées, du moins les travaux de recherches,

provoqués par la découverte de Mallard, ont fait connaître d'intéressants minéraux du groupe des phosphates d'alumine, dont quelques-uns assez riches en lithine pour que la thérapeutique en ait tiré parti.

Pendant ce temps, Mallard continuait ses études sur les gîtes stannifères et leurs analogues du Limousin et

de la Marche, où l'or se montrait plus d'une fois en compagnie de l'étain, ainsi que le wolfram et le kaolin.

D'autre part, plus il explorait le pays et plus il voyait se multiplier sous ses pas les exemples d'excavations en tout semblables à celles de Montebras. Villes détruites,

tombeaux, retranchements élevés durant les guerres, fouilles pour matériaux de construction, toutes les hypo-

thèses avaient été proposées au sujet de ces tranchées et de ces trous parfois très profonds, aujourd'hui presque entièrement oblitérés par la végétation. Une seule chose résultait de ce chaos de suppositions inadmissibles : c'est que les fouilles étaient assez anciennes pour qu'on eût perdu tout souvenir authentique de leurs origines. Or Mallard y reconnaissait les mêmes alignements et

les mêmes circonstances géologiques qu'à Montebras.

Partout il y trouvait du quartz imprégné de pyrite et de

mispickel. À la vérité l'étain oxydé faisait défaut ; mais

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outre que son absence ne prouvait rien, vu la grande

antiquité et le mauvais état des fouilles, il était possible que l'or, compagnon habituel de l'étain dans ces contrées, eût été l'un des objets, peut-être l'objet principal des recherches. En effet, à la suite de M. Alluaud, Mallard signalait le fréquent usage, dans la désignation des localités correspondantes, de mots tels qu' Auri ères, Aurieras, Laîtrière. Même le groupe des fouilles situées entre Millemilange et Couzeix était longé par la petite rivière de l'Aura2zee, où le lavage des sables avait, jusqu'au siècle dernier, rémunéré les efforts des orpailleurs. Enfin la tradition locale ne dépeignait-elle pas l'une de ces fouilles comme recelant un trésor sous la garde d'une fée ? Aussi, en dernière analyse, le sagace géologue concluait - il que le Limousin et la Marche devaient être

comptés au nombre des pays d'où nos ancêtres gaulois tiraient l'or, dont on sait qu'ils étaient assez abondamment pourvus pour exciter, au IV' siècle avant notre ère, l'admiration des Romains. Et par un heureux rapprochement, sur les landes aujourd'hui si pauvres du Limousin, il ne craignait pas d'évoquer le souvenir de cette Californie gauloise, au moment même où la fièvre de l'or sévissait sur la Californie américaine dans toute son intensité. Ces vues si ingénieuses, et dont tout le monde a reconnu la justesse, ont été développées par Mallard dans un mémoire adressé, en janvier 1865, à l'Académie des sciences. La publication intégrale de ce travail a eu lieu l'année suivante dans le tome X de la 6e série des Annales des mines. De ce jour, la réputation de l'auteur n'était plus à faire. Ceux qui l'avaient lu étaient en droit d'ajouter

la méthode, la sobriété, la clarté et la correction du style, aux qualités d'initiative et de sagacité dont l'ingénieur avait déjà fait preuve sur le terrain. Non seulement ces travaux scientifiques ne nuisaient