Annales des Mines (1895, série 9, volume 7) [Image 138]

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NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD. 269

268 NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR ERNEST MALLARD.

Nul n'a moins cherché le bruit que Mallard ; sa modestie était sans égale, comme sa science, et personne n'a plus complètement, nous ne dirons pas dédaigné, mais plutôt ignoré systématiquement, l'art de se faire valoir. Condamné, par la nature toute particulière de ses recherches, à n'être pleinement compris que d'un petit nombre de spécialistes, il n'a jamais souhaité d'autre estime que celle de ses pairs. Mais celle-là lui est venue si complète et si franche, qu'elle a entraîné l'adhésion sans réserve de tout le monde savant. A la vérité, la foule manquera toujours à ce cortège. Mallard n'en avait cure, et il ne conviendrait pas de rechercher, pour sa mémoire, un genre de triomphe qu'il n'ambitionnait pas de son vivant. Toutefois, précisément parce qu'il a toujours fui les manifestations bruyantes, c'est un devoir pour ses contemporains de le remettre en pleine lumière, et de chercher à fixer, ne fût-ce que pour la gloire du corps dont il a fait partie, tous les traits par lesquels sa figure mérite l'admiration.

Franço.is -Ernest Mallard naquit le 4 février 1833 à Châteauneuf - sur-Cher; mais toute son enfance s'est écoulée à Saint-Amand-Montrond, où son père exerçait la profession d'avoué. Il semblerait qu'une aussi petite ville dût être un milieu bien peu favorable à la formation intellectuelle d'un écolier. Les dispositions que l'enfant montra de très bonne heure, et notamment son goût exceptionnel pour la lecture, auraient pu faire naître chez ses parents l'idée de se séparer de lui, pour développer ses facultés dans quelque établissement en renom. Bien leur prit de n'en rien faire ; car il y gagna de conserver, avec l'intelligente direction d'une mère vigi-

lante et dévouée, le bénéfice d'une sollicitude qui se montra particulièrement efficace : celle du vieux principal du collège, homme d'expérience et de savoir, tout heureux

de prouver qu'on avait eu raison- en lui laissant le soin de cultiver un aussi riche fonds. L'élève demeura jusqu'à quatorze ans sous ces bien- . faisantes influences ; et quand enfin, en octobre 1847, il dut venir chercher au collège de Bourges l'indispensable complément de ses études, il emportait de Saint-Amand des impressions profondément gravées dans son coeur d'abord un vif amour de la famille, qui devait le ramener avec une prédilection constante au foyer natal; ensuite le goût du travail pour lui-même, sans recherche d'amourpropre, sous l'empire d'une impulsion personnelle qui n'avait même pas besoin d'être aiguillonnée par l'émulation.

Dès son arrivée à Bourges. Mallard fut classé parmi les premiers. En 1849, ayant achevé sa rhétorique, il entra d'emblée en mathématiques spéciales, ce qui ne l'empêcha pas de conquérir, en avril 1850, le diplôme de bachelier ès lettres. Après avoir ainsi profité pendant un an de l'excellent enseignement de M. Ventejols,

dont il a toujours gardé un souvenir reconnaissant, il vint à Paris pour suivre, comme élève de l'institution Jauffret, les cours du lycée Charlemagne, et en 1851 il se voyait admis à l'École polytechnique. Il en sortit en 1853, parmi les premiers, en qualité d'élève - ingénieur des mines.

Dès le mois de mai 1856, Mallard, qui avait encore' six mois à attendre avant de recevoir le grade d'ingénieur de 3' classe, fut chargé du sous-arrondissement minéralogique de Guéret. Il se fit remarquer de suite par son application au service, et mérita que l'inspecteur général de la division, M. Marrot, le signalât comme celui des jeunes ingénieurs dont il appréciait le plus les rapports. Son intelligence, son jugement, ses aptitudes technique et scientifique, la maturité précoce qu'il apportait à l'examen des affaires, tout le désignait à l'estime de ses