Annales des Mines (1892, série 9, volume 1) [Image 261]

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HISTOIRE -DE L'INDUSTRIE MINIÈRE

Vers le sixième siècle, il y avait en résumé dans file trois peuples bien distincts, comme trois flots successifs en marche de l'ouest à l'est : le premier peuple toujours rebelle dans la montagne ; puis, dans la grande plaine qui coupe en deux la Sardaigne d'Oristano à Cagliari et

sur une partie de la région ouest, les constructeurs de nouraghes ; enfin, sur les côtes ouest et sud, les Carthaginois qui, peu à peu, se mêlèrent à ces derniers jusqu'à occuper finalement le même territoire.

Ces Carthaginois, dans leurs mines, poursuivaient surtout les veines de galène argentifère encaissées dans des

terrains calcaires, peu résistants aux outils, afin d'en tirer : d'une part le plomb, d'autre part l'argent qu'ils savaient déjà extraire par la coupellation. On place leur port d'embarquement principal dans la rade située près de la ville tyrienne de Sulcis (capitale du district minier à cette époque), dans l'île de San Antonio. L'occupation carthaginoise, commencée vers 512, dura à peu près trois siècles; puis, entre la première et la seconde guerre punique (215-227), les Romains conquirent

la Sardaigne et, là comme partout, mirent leur forte empreinte d'ingénieurs en traçant un réseau de routes (*) et développant l'industrie minière.

Avec la période romaine, nous commençons à avoir des renseignements précis sur les mines et la métallurgie. La Sardaigne était alors très peuplée, très prospère, un des greniers de Rome. L'itinéraire d'Antonin parle de cinquante villes et, parmi celles- ci , quelques-unes étaient de vraies villes minières, comme l'indique bien nettement le nom de deux d'entre elles , Metalla (du côté de Flumini) et Plumbea. (*) Cependant leurs travaux en Sardaigne sont, en somme, les assez restreints, et les aqueducs, en particulier, sont rares; occupé, comme les CarthagiRomains semblent avoir surtout nois, la plaine fertile et le district minier du sud-ouest.

EN SARDAIGNE.

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A cette époque encore, - et du reste, ajoutons le aussic'est exclusivement à la gatôt, jusqu'à 1860 environ,

lène argentifère que l'on s'attaquait, et l'on continuait à rechercher la galène encaissée dans des roches faciles à travailler comme des calcaires et non dures comme le quartz (*) Le zinc était inconnu (**), le fer dédaigné. On peut apprécier la façon de travailler des romains par quelques-uns de leurs travaux qui subsistent (**").

Généralement dans ces travaux, les puits verticaux sont

extrêmement nombreux, parfois à peine distants l'un de l'autre de 3 ou 4 mètres et souvent si étroits qu'on arrive

malaisément à y pénétrer. Ce ne sont pas ces beaux puits rectangulaires de l',30 de large et I n',80 de longueur à parois bien lisses et munis d'échelles qui subsistent dans les mines athéniennes du Laurium, mais souvent de simples soupiraux qui ont pu servir à l'ex traction des minerais au moyen de treuils, qui peut-être .aussi, en un temps ou l'on ne connaissait pas la boussole,

permettaient de se diriger sous terre, en donnant des (') Jusqu'à l'invention de la poudre, on n'a guère attaqué dans les quartz que quelques gîtes spécialement riches en argent; comme ceux de l'Argentière (Nurra ) et de Barisonis; un gîte de cuivre près Gadoni, etc. A Rosmario, près Maltidano, on a .exploité dans le quartz de la galène tenant jusqu'à 7 kilogrammes d'argent pour 1000 kilogrammes de minerai.

Cl D'après un mémoire de M. Rossignol sur l'Orichalque

(Les métaux dans l'antiquité, 1863, p. 450), les Grecs auraient pourtant connu la calamine décrite par Strabon (XIII, p. 610), et ils en extrayaient le zinc (4nuadtp1opo, ou faux argent, qu'ils alliaient au cuivre pour faire du laiton ou orichalque. Strabon décrit ainsi la calamine : « une pierre qui, brûlée, devient fer (peut-être à cause de la teinte rouge due à l'oxydation); puis, calcinée au fourneau avec une certaine terre (sans doute quel-

que fondant), distille du faux argent (zinc); enfin, mêlée au cuivre, devient orichalque (laiton) . (***) Nous avons eu l'occasion de visiter et de décrire des travaux romains à Rio Tinto (Ann. des mines, nov. 1889). On peut comparer ce qu'a écrit des travaux athéniens du Laurium M. Ledoux, dans la Revue des deux mondes du février 187.