Annales des Mines (1891, série 8, volume 20) [Image 226]

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NOTE SUIT L'EXPLOSION DE GRISOU

Ce ne fut toutefois qu'à 4 heures du matin, le 5 juillet, qu'il fut possible, grâce au concours de 8 élèves de l'École des Mines de Saint-Étienne, d'établir les premiers de ces barrages volants. On en commença cinq à la fois à 2 ou 3 mètres d'intervalle, en réservant jusqu'au dernier moment un passage à la sole. L'effet produit par ces toiles fut immédiat. En passant sous les toiles et visitant chacun des sas ainsi formés, on constata que de l'un à l'autre l'air présentait dans sa composition une différence très sensible. Les fumées cessèrent à partir de ce moment, et il fut aisé d'établir les barrages définitifs. On avait espéré pouvoir reconquérir le travers-bancs de Verpilleux, mais il fallut y renoncer : la recette fut noyée sous un mètre d'eau et le mauvais air fut contenu du côté de Méons par de multiples barrages en toile, établis soit au niveau 125, soit au haut du plan incliné. On put alors, avec le courant de Saint-Louis, se porter vers les tailles n° 5, n° 6 et n° 4: on y trouva 44 cadavres. Mais on n'avait toujours qu'une seule ligne de retraite

par Saint-Louis. Or, par suite du temps perdu dans les manoeuvres du puits, l'épuisement avait été ralenti et le niveau des eaux n'était plus qu'il 0m,50 au-dessous de la recette. Il fut alors reconnu que le puits du Bardot aspirait l'air extérieur : on le fit ouvrir, et l'on mit ses machines en état de service ; dès ce moment, le sauvetage put être poursuivi en toute sécurité. Ce long travail, sur les détails duquel il n'y a pas lieu d'insister, n'a pris fin que le 5 septembre suivant, en raison des difficultés de toute sorte qui se sont présentées on dut en effet franchir 55 éboulements, reconquérir 7 kilomètres de galeries, et maîtriser 4 incendies ; on eut à relever 162 cadavres. Mais il restait encore 35 hommes dans les travaux du puits Saint-Louis, au delà. des barrages que l'incendie

DU PUITS VERPILLEUX.

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avait obligé à établir. Ce ne fut que dans le ceurant du mois d'affût 1890, après avoir noyé le niveau de roulage de ce puits, et laissé l'eau se maintenir pendant près de neuf mois à la cote 135 mètres, que l'on rentra dans les travaux ; malheureusement des difficultés de diverses natures n'ont permis de reconquérir encore qu'une très faible partie des galeries, et l'on n'a pu remonter au jour que six cadavres, retrouvés au pied du plan des Flaches ; les vingt-neuf autres demeurent encore ensevelis dans les tailles qtii restent à explorer. Les constatations faites au cours des travaux de sauvetage ont permis de reconstituer la marche de la catastrophe et de suivre point par point la trace des courants enflammés.

Si l'on n'a pu s'accorder sur le point précis de l'origine de l'inflammation, que les uns ont placé vers le haut de la taille n° 5, et les autres plus en amont, dans la taille n° 6, les observations faites au cours du sauvetage, confirmées d'ailleurs par le témoignage des rares survivants, ont du moins positivement démontré que l'explosion était

partie des tailles voisines du rejet de l'Isérable. C'est ainsi que dans le niveau des Flaches (cote 118), les débris

de toutes les portes d'aérage avaient été projetés de l'est vers l'ouest ; au niveau de la taille ru' 6, un convoi de wagonnets avait été emporté dans le même sens de l'est vers l'ouest, c'est-à-dire de la taille vers le puits; au niveau de la taille n° 13, le couvercle d'un coffre avait été arraché et lancé en avant, toujours vers l'ouest. En tête du plan incliné de Verpilleux, au contraire, et dans le bas du niveau de la taille n° 5, les bennes avaient été projetées dans une direction inverse, c'est-à-dire des tailles vers le puits Verpilleux, et à l'extrémité du travers-bancs la porte en fer de l'écurie, arrachée de ses gonds, avait été transportée dans ce même sens.