Annales des Mines (1890, série 8, volume 17) [Image 155]

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NOTICE NÉCROLOGIOUE SUR EDMOND FUCHS.

l'École même, de jeunes hommes à qui leurs débuts sem-

blaient promettre la plus brillante carrière. Si quelqu'un paraissait destiné à braver, mieux que tout autre, ce genre de péril, c'était bien l'éminent ingénieur de qui nous entreprenons de retracer l'existence. Tout en le gratifiant de qualités intellectuelles aussi bril-

NOTICE NÉCROLOGIQUE SUR EDMOND FUCHS.

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ire des 'Vosges, dont les magnifiques forêts et les poétiques vallées trouvaient en lui un admirateur enthousiaste; au bord du Rhin, français alors et sur les flots rapides duquel il aimait à s'aventurer en barque; enfin dans ces plantureuses campagnes où l'Ill serpente, et

qui se déploient, si larges et si riantes, au pied de la

lantes que variées, la Providence l'avait taillé en hercule. En contemplant cette haute stature, ces larges épaules, ce visage encadré d'une abondante chevelure, éclairé par

montagne, avec les cimes de la Forêt Noire pour horizon

deux grands yeux, à la fois lumineux et doux, et sur

traditions et même de légendes, était bien fait pour favo-

lequel s'épanouissait volontiers le sourire le plus franc et le plus bienveillant, il semblait vraiment qu'on fût en présence d'un homme fort dans toute la rigueur de l'expression. Hélas ! cette puissance exceptionnelle contenait en elle-même un germe de faiblesse. Habitué à défier les dangers, à ne jamais compter avec la fatigue ; inca-

riser l'épanouissement d'une nature à la fois puissante et douce, où la vigueur du tempérament s'alliait à une

pable d'une mesure à laquelle répugnaient un esprit et un coeur trop généreux, en même temps que son corps en croyait pouvoir impunément secouer le joug, Fuchs devait abuser de ses forces, au point de perdre rapidement le bénéfice de sa magnifique constitution. La mort le guettait, en quelque sorte, depuis des années, et un jour est venu où elle l'a terrassé tout d'un coup, après lui avoir à peine permis de dépasser le demi-siècle. Mais du moins elle ne l'a .pas pris au dépourvu. Son âme n'a-

vait jamais cessé d'être prête, et l'incroyable activité qu'il a toujours déployée fait de sa carrière, si prématuré qu'en ait été le dénouement, l'une des plus remplies que le Corps des Mines ait connues.

Philippe-Jacques-Edmond Fuchs naquit à Strasbourg, le ier avril 1837. Son enfance et sa jeunesse s'écoulèrent

tout entières dans cette belle province d'Alsace, à laquelle il appartenait de toutes façons, par sa famille, par son tempérament, par ses goûts. Il grandit ainsi à

Un tel milieu, dans un pays rempli de souvenirs, de

imagination pleine de tendresse, non moins sensible aux

charmes de la rêverie sur l'eau, par un beau clair de lune, qu'a la fière satisfaction des marches forcées accomplies, sans repos ni nourriture, à travers les sentiers les plus âpres de la montagne. Mais à cette influence du milieu venait s'en joindre une autre, encore plus efficace,

celle de la famille. Pour en apprécier la portée, il faut avoir connu ce père, si profondément respectable dans sa simplicité, esprit libéral et généreux, habitué à chercher, dans la littérature et la poésie, une diversion aux exigences du négoce, que la nécessité seule le déterminait à subir ; puis cette sainte mère, au regard si sympathique, dans les yeux de qui la physionomie du fils se retrouvait et s'expliquait du premier coup. Ajoutons-y une soeur aînée, plus âgée que Fuchs de quinze ans, qui fut pour lui comme une seconde mère et qui, elle aussi, a laissé chez tous ceux qui l'ont connue la plus charmante impression de droiture et de bonté. Tels étaient les éducateurs qui, dans un cadre toujours austère et sous les auspices d'une foi chrétienne inébranlable, s'appliquèrent à former le caractère et à développer les aspi-

rations de celui qui, par ses succès de bon aloi, devait être l'orgueil et la consolation de la famille.