Annales des Mines (1889, série 8, volume 15) [Image 245]

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L'ÉCOLE DES MINES DE PARIS.

ment à Lyon, avait les provinces du Midi, et Monnet, en résidence à Paris, celles du Nord. Peu après que Bertin eut pris la direction dut service des mines, on lui présenta deux mémoires en vue de créer deux écoles des mines : l'une dans le Forez, pour les mines de houille, et l'autre à Sainte-Marie-aux-Mines pour les mines métalliques ; les élèves devaient y être logés et

entretenus. Monnet, consulté par Bertin, émit un avis défavorable à toute idée de création d'une école spéciale. Suivant lui, la pratique des mines ne s'enseignait pas dans une école, mais devait s'apprendre sur place ; il estimait qu'il suffirait d'établir à Paris, notamment au Jardin du

roi, des cours publics de minéralogie et de métallurgie, que l'on ignorait particulièrement en France, faisait-il observer. On pourrait ensuite faire passer des examens tant

sur ces matières que sur celles d'instruction générale, mathématiques et chimie. Les bons élèves, dont on devait avoir toujours six au moins, seraient ensuite logés et entretenus aux frais du roi, à raison de 1000 livres par élève et par an, sur les principales mines du pays, d'où

on les prendrait suivant les besoins, de façon à avoir en permanence trois commissaires, brevetés par le roi, chargés d'instruire toutes les affaires de mines. [In peu plus tard, Jourdan, poussé par Sage, suivant Monnet, revint à la charge auprès de Bertin et lui proposa la création d'une école des mines dont les frais auraient été payés par les taxes perçues à cet effet sur les exploitants (*). Monnet se mit encore par le travers d'autant plus vivement qu'il n'aimait pas Sage. (*) C'est à cette idée que se rattachent les stipulations contenues à cet effet depuis 1769 dans les actes de concession de mines (V. Lamé Fleury, Législation minérale sous l'ancienne monarchie,

p. 195, note 1), et plus tard l'arrêt du conseil du roi, du 13 janvier 1776, commettant le caissier de la petite poste de Paris pour recouvrer les contributions des exploitants à ce destinées (V. Lainé Fleury, loc. cit. p. 195).

NOTICE HISTORIQUE.

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Cependant celui-ci arriva, partiellement du moins, à ses fins ; et un peu suivant le plan indiqué par Monnet lui-

même, des lettres patentes du 11 juin 1778 (*) établirent « dans une des grandes salles de l'hôtel des monnaies à Paris, une chaire de minéralogie et métallurgie

docimastique, dans laquelle le professeur nommé par le roi donnera des leçons publiques et gratuites de cette science » (art. 1). Par l'art. 2 le roi nommait comme professeur de ladite chaire « le sieur Sage (**), de notre Académie royale des sciences, aux appointements de 2.000 livres qui lui seront payés annuellement, ainsi qu'a ses successeurs à ladite chaire, par le trésorier général des (*) Le texte de ces lettres patentes a été publié par M. Lamé Fleury (Législ. minér. sous l'ancienne monarchie, p. 196). (**) Sage, auquel on ne peut refuser l'honneur d'avoir créé l'École des mines, qu'il n'aurait pu, il est vrai, faire fonctionner sans Guillot-Duhamel père, né à Paris le 7 mai 1740, est mort en 4824. Fils d'un pharmacien, après de bonnes études au collège Mazarin, il s'adonna à l'étude de la minéralogie et de la chimie docimastique avec assez de succès pour qu'à 30 ans il fut désigné par l'Académie des sciences comme successeur de Guillaume Rouelle. Son mérite ne paraît pas cependant répondre au bruit que volontiers il faisait autour de son nom. Un bon juge, M. le professeur Grimaux, l'appréciait récemment ainsi (Lavoisier, p. 422) : « Expérimentateur maladroit, imagination fantaisiste, qui a beaucoup publié, beaucoup écrit, entassé erreurs sur erreurs, et n'a pas laissé dans la science un seul fait bien observé. » Sage, qui présente tant de points de ressemblance, avec son ennemi Monnet, auquel, sans contredit, il était supérieur par la culture générale, se rencontra avec lui pour tirer énergiquement les dernières cartouches en faveur du phlogistique à une date où tous les bons esprits pourtant s'étaient déjà ouvertement ralliés aux théories de Lavoisier. Aussi malheureux en minéralogie qu'en chimie, Sage combattit les vues d'Haüy, et se rangea également dans le mauvais clan de ceux qui croyaient accabler ce grand savant en le traitant de cristalloclaste. La fin assez misérable de Sage lui mérite quelque pitié. Atteint de cécité en 1805, il se trouvait, à la suite des événements politiques, dans une situation pénible, dépouillé presque de toutes ses pensions auxquelles il pouvait croire que la cession de ses collections lui donnait quelque droit. Tome XV, 1889.

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