Annales des Mines (1888, série 8, volume 13) [Image 304]

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plus en -filons, mais à l'état de petits fragments brisés ; c'est probablement par suite d'un bouleversement postérieur à la formation de ces filons. Enfin, on rencontre la turquoise à la surface du sol, au milieu des alluvions provenant de la montagne. Il semble bien que la turquoise de Nichapour représente l'élé-

ment le plus jeune de la formation minérale de cette région. Les fragments de trachyte, sont cimentés par de l'oxyde de fer phosphoreux, de couleur brun foncé, qui traverse aussi la brèche sous forme de filon; on y voit par places de très petites écailles d'un minerai brillant : ce sont des paillettes de mica. Quant aux filons de turquoises, tantôt ils ont pour salbandes de l'oxyde de fer, tantôt ils traversent directement le trachyte sans interposition d'oxyde de fer. On peut en conclure que ces filons constituent le remplissage de fentes qui se sont formées dans l'ensemble de la brèche, et grâce auxquelles la turquoise a traversé aussi bien les fragments de trachyte que la masse d'oxyde de fer qui les cimente. Quant à la question de savoir si la brèche n'est qu'une brèche filonienne à l'intérieur d'une masse de trachyte encore cohérente, ou bien si la montagne tout entière consiste en une formation analogue à cette brèche, la question ne pourrait être résolue qu'à la suite d'études attentives faites sur les lieux. Quoi qu'il en soit, étant donné qu'il existe déjà plusieurs centaines de puits qui se présentent dans les mêmes conditions, on peut conclure que les gisements de turquoises sont liés d'une certaine façon à l'existence de cette brèche. M. Tietze n'avait pas à sa disposition d'échantillon de trachyte non altéré. Des études microscopiques ont été faites par M. le baron von Foullon sur un morceau de la brèche, taillé en plaque mince. Le feldspath, reconnaissable d'ailleurs à l'oeil nu, était dans un état déjà avancé d'altération ; néanmoins il renfermait encore assez de substance non altérée pour montrer les couleurs de polarisation et manifester la mâcle de Carlsbad. On peut donc, sans crainte d'erreur, conclure que ce feldspath est de forthose. Dans les parties plus fraîches se trouvaient des inclusions vitreuses, de couleur brune, présentant l'aspect qu'on rencontre ordinairement dans les roches éruptives les plus jeunes. L'échantillon examiné renfermait également de l'oxyde de fer, dans lequel M. von Foullon a vu un tout petit grain de quartz; celui-ci contenant des inclusions vitreuses de la même couleur que celles du feldspath, on ne peut guère douter que le quartz soit un des éléments de première formation. Déjà Schindler, parlant

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du silicate argileux ferrifère qu'il décrivait comme étant la roche-

mère de la turquoise, disait qu'il contenait un peu de quartz libre en petits grains tout à fait microscopiques.

Notons enfin qu'on a observé des phénomènes de pseudomorphose , consistant en ce que la turquoise a remplacé le feldspath. Ces diverses circonstances ont amené à conclure que l'on avait affaire à un trachyte. Cette conclusion se justifie mieux encore, quand on examine la place occupée par cette roche dans la géologie générale de la région. A l'occasion des phénomènes orogéniques qui ont accompagné la formation de la chaîne de l'Alhours (*), M. Tietze étudie la géologie du nord de la Perse. Après

avoir énuméré d'une façon méthodique les terrains sédimentaires depuis le silurien jusqu'au crétacé, en indiquant à quelles couches ils correspondent en Europe, il arrive aux terrains de formation plus récente. Le terrain nummulitique est représente en partie par des conglomérats, en partie par des calcaires. Le terrain miocène est très développé sur le bord sud de l'AIhours ; il contient, en quantités énormes, du -sel ainsi que du gypse,

avec des marnes bigarrées en général rougeâtres, plus rarement verdâtres ou bleuâtres; il renferme aussi des conglomérats. Le noyau de l'Albours est composé de roches éruptives anciennes.

Au sud de cette chaîne, à peu près parallèlement à elle, se trouve

une série de collines, composées soit de roches tertiaires, soit de trachytes avec leurs tufs. Ce fait montre bien la relation qui existe entre les roches tertiaires et les trachytes : ceux-ci sont venus affecter ces terrains sédimentaires, en arrivant à la. surface par un grand nombre de fentes longitudinales, à peu près dans une direction est-ouest. Déjà Goebel Cl parle de ce trachyte porphyrique brun noirâtre en relation avec la formation tertiaire il le signale comme étant très cuprifère, et renfermant des gisements de cuivre natif, cuprite, chalcopyrite, cuivre panaché. En résumé, la portion nord-est de la Perse est occupée par un vaste désert salé, et c'est à l'extrémité nord-est de ce désert que se trouve Nichapour, sur le bord sud de la chaîne de montagnes qui forme le prolongement oriental de la chaîne de l'Albours et sa (*) Remerkungen über die Tektonik des Albursgebirges, dans le Jahrbuch der k. k. geolog. Reichsanstalt, '1877, p. 375-430. Cette chaîne borde, en Perse, le rivage méridional de la mer Caspienne. (**) Bulletin de l'Académie scientifique de Saint-Pétersbourg, 1813, p. 328.