Annales des Mines (1882, série 8, volume 2) [Image 19]

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NOTICE BIOGRAPHIQUE.

P. G. F. LE PLAY.

Nul, je crois, n'a su voyager comme Le Play. De petite stature, mais de taille dégagée, doué de jarrets d'acier, passé

qu'elle présentait une complication dont ils ne s'étaient point tout d'abord rendu compte. Le Play s'affermit dans la pensée que la solution se trouvait en grande partie dans les coutumes du passé. Reynaud conserva ses convictions sur la doctrine du progrès continu et, en général, sur le concours que pouvait prêter, en cette circonstance comme en toute autre, l'esprit de nouveauté. En résumé, « ils revinrent à la fois plus divisés d'opinion et meilleurs amis

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maître dans l'équipement du piéton, bravant les ardeurs du soleil comme les intempéries du ciel, résigné aux mauvais repas et aux mauvais gîtes, il accomplissait sans fatigue des étapes de 5o à 6o kilomètres, aussi dispos à l'arrivée qu'au départ. Nul aussi n'excellait comme lui à tirer des hommes et des choses jusqu'au dernier des renseignements utiles à l'objet qu'il avait en vue. Industriels et ouvriers, propriétaires et paysans, professeurs et étudiants, aubergistes et passants, tous étaient ses tributaires. Que

de portes, fermées à d'autres curieux moins habiles, se sont ouvertes devant son irrésistible entregent! Que de secrets n'ont point tenu devant sa finesse cachée sous la plus engageante parole! Les voyageurs s'étaient proposé, dans chaque contrée, trois buts principaux : « visiter les établissements spé-

ciaux, offrant au mineur des modèles à suivre ou des écueils à éviter, séjourner sur chaque établissement le temps nécessaire pour en observer les faits essentiels, rédiger les notes propres à en conserver le souvenir ; 20 se mettre en rapport intime avec les populations et les lieux, pour établir une distinction nette entre les faits entièrement locaux et ceux qui ont un caractère d'intérêt général; 50 rechercher avec sollicitude les autorités sociales de chaque localité, observer leur pratique, recueillir les jugements qu'ils portent sur les hommes et sur les choses. » Dans ce voyage, où ils parcoururent 6.80o kilomètres à -pied, Le Play et Reynaud se mirent d'accord à l'égard de certaines thèses économiques reposant sur l'évidence des

faits. C'est ainsi, par exemple, qu'ils reconnurent l'excellence des grandes corporations instituées dans les États

allemands pour l'exploitation des mines métalliques. Ils ne réussirent pas à s'entendre sur la question sociale, point

de départ de leur entreprise; ils comprirent seulement

que jamais ». De retour à Paris, Le Play se mit activement, dans l'hiver de 183o, à la rédaction de son journal de voyage; mais un terrible accident vint interrompre son travail. Dans une préparation de potassium, une violente projection de cette dangereuse substance l'atteignit aux avant-bras. Accourus à ses cris, les élèves du laboratoire eurent à peine le temps de lui arracher ses vêtements en flamme. Les deux mains étaient horriblement dépouillées et calcinées. On le trans-

porta dans le cabinet chinois attenant à la salle du Conseil, aujourd'hui englobé dans la nouvelle bibliothèque; ,on 'y installa un lit provisoire à l'aide de matelas empruntés au personnel de l'École, et, en attendant l'arrivée de sa mère et de sa soeur mandées du Havre en toute hâte, ses camarades se relayèrent tour à tour pour entretenir sur ses mains un courant d'eau froide, seul adoucissement à ses souffrances. Longtemps mal soignée par le médecin de l'École, l'affreuse brûlure ne céda qu'à une habile médication du célèbre Dupuytren. Au bout de dix-huit mois, Le Play retrouva l'usage de ses mains, déformées pour la vie, mais ayant conservé toute leur adresse pour l'écriture, le dessin et les manipulations chimiques. -Dès sa guérison, le blessé reprit et termina son journal de voyage. Ce travail fit époque à l'École et fut pour les lélèves le meilleur des modèles. Édifiée sur les services

pouvait attendre de son auteur, l'Administration S'attacha ce dernier en lui confiant la direction du labo-