Annales des Mines (1878, série 7, volume 13) [Image 125]

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LLOGE DE GABRIEL LAME.

ÉLOGE DE GABRIEL LAMÉ, INGÉNIEUR EN CHEF DES MINES,

Par M. J. BERTRAND, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, lu dans la séance publique annuelle du 28 janvier 1878.

ÉLOGE DE GABRIEL LAME.

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Lainé naquit à Tours, le 22 juillet 1795 (4 thermidor an III, comme on disait alors) . La fortune étroite et mal assurée de sa famille ne permettait le superflu en aucun genre; la nourriture de l'esprit, comme celle du corps, était réduite au nécessaire : le jeune Gabriel fut envoyé à l'école. La nécessité des affaires ayant appelé son père à Paris, il suivit comme externe, avec un médiocre succès, les classes du lycée Louis-le-Grand. Pressé cependant d'uti-

Messieurs, Gabriel Lamé a mérité la louange la plus haute qu'on puisse décerner à un homme de science : en poursuivant la vérité avec ardeur, il n'a jamais désiré qu'elle ; ni la recherche de la fortune ne l'a détourné de sa route, ni l'espoir d'un grand nom n'y a dirigé ses pas. Capable des théories les plus hautes comme des applications les plus minutieuses, il n'a voulu ni s'enfermer dans la pitre abstraction, où de brillants débuts et un génie, plus brillant encore, lui auraient permis d'égaler les plus illustres, ni s'adonner à la pratique, où de premiers succès

semblaient lui promettre, presque lui offrir une fortune noblement acquise.

Remonter vers la source des phénomènes physiques aussi haut que puisse atteindre l'intelligence humaine ; rattacher à un même principe des vérités dont l'étroite liaison est trop évidente pour que les plus aveugles puissent la méconnaître, trop cachée cependant pour que les plus habiles osent la préciser ; signaler, sans fausse modestie, l'harmonieux enchaînement de ses formules, comme

un indice certain de la vérité entrevue ; aller avec franchise au-devant ',des difficultés et des doutes, en pressant

ses disciples de les éclairer un jour, telle est la noble tâche à laquelle un des esprits les plus pénétrants et les plus élevés de notre époque a dépensé, avec une ardeur que l'âge semblait accroître, cinquante années d'ingénieuses méditations et de travaux solidement fondés.

liser le savoir acquis, il interrompit ses études à l'âge de seize ans, pour entrer chez un homme de loi, M. Dupont. Tout en s'acquittant vite et bien d'un travail contraire à ses inclinations, le jeune Lamé ne pouvait y accommoder ses projets d'avenir. Au milieu des livres de chicane de son patron, il rencontra par hasard la géométrie de Legendre : la séduction fut irrésistible. Un matin , sans prévenir et sans consulter personne, il

reprit en tremblant le chemin du lycée et, mêlé à ses

anciens condisciples, alla s'asseoir dans la classe de mathématiques. M. Dupont, qui était un excellent homme, fondant d'ailleurs peu d'espérances sur son dernier clerc, garda le secret de ses absences ; mais le Moniteur officiel, moins discret, en publiant à la fin de l'année les noms des lauréats du concours général, apprit à M. Lainé père l'escapade de son fils et la fit pardonner. Un an après, Lamé entrait le troisième à l'École polytechnique. Malgré les progrès accomplis, les jeunes gens, restés jeunes comme au temps de Molière, n'avaient pas acquis

toute la prudence qu'il aurait fallu pour ne rien faire que de raisonnable. » La promotion de Lamé prit fait et cause pour des camarades qui méritaient peut-être quelques jours de salle de police : elle fut licenciée Nous avions reconnu, dit l'ordonnance royale de licenciement, l'utilité de l'École polytechnique pour le progrès des sciences et des arts et l'amélioration des travaux publics; mais la désobéissance récente et générale de !