Annales des Mines (1877, série 7, volume 11) [Image 195]

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ÉLOGE D'ALEXANDRE BRONGNIART.

ÉLOGE D'ALEXANDRE BRONGNIART.

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formation ; Adolphe Brongniart a fixé, le premier, les 'règles

ÉLOGE D'ALEXANDRE BRONGNIART, INGÉNIEUR EN CHEF DES MINES,

Par M. DUMAS, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences (*).

Au moment où l'Académie venait de perdre M. Adolphe Brongniart, l'un de ses membres les plus dignes de respect, par l'importance de ses découvertes, par la droiture de son

caractère et par son exquise bonté, on rappelait avec regret que la vie et les travaux de son illustre père, Alexandre

Brongniart, n'avaient pas encore obtenu, dans cette enceinte, les honneurs d'un hommage public, et il semblait que nos annales ne devaient pas séparer le souvenir de deux existences étroitement unies par le sentiment scientifique comme elles l'étaient par le sang. Obéissant à cette pensée, je viens, non sans émotion, donner satisfaction au

vu de la compagnie. Des sentiments de haute convenance ne me permettent pas de louer en toute liberté deux confrères dont la douce affection a fait le bonheur de ma vie. Mais, pour payer à leur mémoire la dette de l'Académie, ne suffira-t-il pas de

l'appeler la part qui leur revient dans la découverte qui sera l'honneur de ce siècle, celle des grandes lois auxquelles ont été soumises l'apparition des êtres organisés à la surface du globe et la disposition des couches minérales qui en contiennent les débris? Alexandre Brongniart a montré, le premier, comment l'ordre de superposition des terrains et leur âge relatif sont définis par les restes des animaux contemporains à leur (*) Extrait de l'éloge d'Alexandre et d'Adolphe Brongniart, prononcé, le 23 avril 1877, dans la séance publique annuelle de l'Acdémie des sciences.

à l'aide desquelles cet ordre et cet âge sont signalés par les plantes qui s'y trouvent conservées à l'état fossile. Leurs deux personnalités se sont complétées et, bien que chacune d'elles ait gardé son empreinte propre, elles seront un jour confondues dans un commun souvenir. La vie de nos deux confrères n'a pas été fertile en incidents; demandant au travail seul des succès légitimes, ils ont ignoré le bruit; insouciants de la fortune, cherchant le bonheur dans l'étude, ils n'ont connu que le milieu paisible de la famille ; mais ils peuvent être offerts comme modèles à quiconque préfère aux applaudissements de la foule le souvenir de la postérité et les sympathies de l'assemblée d'élite qui se réunit autour de nous pour glorifier les services 'et pour honorer la mémoire de ceux qui ne sont plus.

Originaire de l'Artois, où elle jouissait d'une situation notable dès le xve siècle, la famille Brongniart, depuis près de deux cents ans, était fixée à Paris, où d'anciennes al-

liances l'avaient rattachée à celle de Fourcroy. Théodore Brongniart, père du géologue, architecte éminent, a laissé, parmi de nombreuses créations, deux monuments populaires : la Bourse, qu'il a construite sur ses propres plans et près de laquelle une rue a reçu son nom ; le grand cimetière de l'Est, dont il a dessiné toutes les dispositions, où ses restes reposent dans un asile que la ville de Paris lui a consacré.

On ne s'étonnera pas qu'il eût désiré avoir son fils pour successeur, mais un goût passionné emportait celui-ci vers la culture des sciences ; rien ne put l'en détourner. Né en 1770, il avait reçu, dès sa première jeunesse, comme un aliment généreux, l'impression forte et durable du succès

sans égal de la chimie de Lavoisier,Lilluminant d'un jour nouveau la philosophie de la nature. C'est elle qui, dès ses premiers pas, lui ouvrit la voie et qui lui servit encore de guide pendant tout le cours de sa carrière. Les maîtres