Annales des Mines (1875, série 7, volume 8) [Image 150]

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EXPOSÉ DES TRAVAUX

DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

de Buch, pour Cuvier, a réagi d'ailleurs sur ses opinions jusqu'à la lin de sa vie. Cuvier avait supposé une démarcation tranchée entre l'ère dite actuelle et les âges antérieurs, démarcation que Brongniart (*) avait accusée encore phis, en opposant l'ensemble de celle-ci, sous le nom de période saturnienne, à la période jovienne, ou actuelle; en accumulant dans la première tous les bouleversements, tandis que la seconde, marquée principalement par l'arrivée de l'homme sur la terre, jouissait d'une tranquillité à peine troublée par les phénomènes volcaniques, Cuvier niait même les mouvements séculaires du nord de l'Europe (*), bien qu'ils eussent été constatés de la manière la

contradiction avec celles que j'ai rappelées plus haut, s'il n'avait préféré suivre l'opinion de ses illustres prédécesseurs, tant qu'elles n'étaient pas contraires à ses propres

plus évidente par tous les savants qui avaient visité la Suède,

et prétendait les rayer des causes actuelles. Plus éclairé, Élie de Beaumont reconnut l'existence de ces modifications lentes des niveaux des continents, et consacra même à leur étude une partie de ses Leçons de géologie Pratique.

Il garda néanmoins l'idée qu'une grande catastrophe avait inauguré l'ère actuelle, et voyait avec Saussure la trace de la ic grande débâcle » dans la dispersion des blocs erratiques tout autour des Alpes; ce n'est qu'avec la plus grande réserve qu'il parle du soulèvement des Andes comme pouvant être postérieur à l'existence de l'homme. Cette convictibn, basée sur les négations de Cuvier, lui fit

méconnaître la valeur des preuves aujourd'hui si complètes de la coexistence de l'homme et des races éteintes des grands pachydermes, et l'analogie des phénomènes erratiques des Alpes avec celui du Nord, pour lequel il acceptait une large intervention de la glace (***).

Il aurait pu cependant accepter les idées nouvelles sans (*) Discours sur les révolutions du globe. (") Tableau des terrains qui composent l'état du globe, i829.

(**.) Indiquée déjà par Playfair, op. cil § 348, comme l'une des causes possibles du transport des blocs.

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observations. Il avait d'ailleurs été maintenu dans cette voie par les observations de Dufrénoy, qui n'avait vu aucun bloc erratique

dans les Pyrénées, d'où il résultait que la dispersion des blocs était un phénomène purement alpin. Ce n'est pas le lieu de rechercher ici quelle part revient aux divers géologues, et à Élie de Beaumont lui-même dans

les erreurs qui ont pu être commises relativement à quelques systèmes de montagnes. Ces erreurs inévitables, puisque la détermination de l'âge d'un soulèvement suppose

que l'on connaît exactement l'âge des couches soulevées, problème non encore complétement résolu, ne détruiront jamais l'ensemble de l'oeuvre d'Élie de Beaumont.