Annales des Mines (1875, série 7, volume 8) [Image 140]

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EXPOSÉ DES TRAVAUX

étendue, que ces faits se sont produits. Depuis l'Espagne jusqu'à l'empire des Birmans, nous pouvons cheminer sans quitter la montagne, sans cesser de trouver partout des traces de cassures récentes du globe. Comme le bourrelet des Alpes sépare de la plaine da Pô le haut plateau de la Bavière, la chaîne colossale de l'Himalaya sépare la plaine du Gange du plateau du Tibet. Entre les deux s'étend le massif déchiqueté profondément de la Turquie et de la Grèce, l'Asie Mineure et la Perse, divisées en petits plateaux à des hauteurs différentes. Partout nous trouvons des tra-

ces de dépôts marins, peu anciens, disloqués et portés à des milliers de mètres au-dessus de leur position primitive. Nous ne sommes pas ici en présence d'un événement local,

Sur toute cette surface, l'enveloppe extérieure de notre planète a dû se plisser sur elle-même, gagnant en hauteur ce qu'elle perdait en développement horizontal. Si la surface de la terre a ainsi diminué chaque fois qu'un système de montagnes s'est produit, c'est que le volume du noyau même a diminué aussi. Et l'écorce ne peut se prêter à une diminution de volume du noyau qu'en fléchissant, en se gondolant d'abord et en se brisant lorsque les flexions ont dépassé ce qu'elle pouvait supporter. En même temps les portions plus voisines de la ligne de rupture pressées les unes sur les autres ont dû se rider et produire une série de bourrelets parallèles à cette ligne. Mais à mesure que notre globe a vieilli, ces systèmes se sont multipliés et la surface du globe s'est rapprochée comme aspect de nos chaussées pavées, où malgré l'habileté des ingénieurs il existe toujours des inégalités relativement bien plus considérables que les plus hautes chaînes de montagnes du globe. Si de nouvelles fentes doivent se produire dans notre écorce ainsi divisée en petits compartiments elles épouseront de préférence les directions des anciens joints. Leurs inflexions, leurs irrégularités viendront témoigner de l'existence antérieure, dans la partie profonde

DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

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du sol, de dislocations que les .couches récentes cachaient à nos yeux comme les enduits des murs cachent momentanément les joints des pierres. Dans chacun des zigzags de la nouvelle fracture se reproduiront les traits anciens les plus voisins de la direction générale du nouveau ridement.

Si la géologie, si l'examen minutieux des documents de l'histoire ancienne du globe, nous a révélé ces fractures, ces plissements gigantesques, nous n'aurons qu'à regarder autour .de nous pour voir les traces de ces mouvements préliminaires, de ces bossellements généraux de la surface du globe. Sous nos yeux, les îles du Spitzberg et les côtes de la Yorwége s'élèvent, et nous connaissons en plusieurs points la Mesure exacte de ce soulèvement, tandis que de grandes portions de l'océan Pacifique s'enfoncent graduellement, permettant aux coraux d'élever assise par assise .des récifs dont le pied est à plus de 1. 000 mètres au-des-

sous du niveau de la mer sans que les zoophytes con-

structeurs cessent de se trouver dans les eaux superficielles et chaudes qui leur conviennent. Malgré la fixité apparente du sol, même dans les régions où les tremblements de terre sont inconnus, nous ne pouvons citer avec certitude un point où le niveau relatif de la terre et de la mer n'ait pas changé depuis une époque peu éloignée.

Il en était de même autrefois ; aux époques géologiques, les rivages se déplaçaient graduellement, lentement, témoi-

gnant ici d'une dépression, là d'un exhaussement du sol; c'est donc une cause actuelle agissant encore comme elle a agi depuis les temps les plus anciens, qui produit ces mouvements séculaires de l'écorce de la terre, cette diminution constante du volume de la terre. Cette cause, c'est dans le refroidissement de la terre qu'Élie de Beaumont l'a cherchée.

Habitants de la surface, nous rapportons volontiers et Tom VIII, 1875.

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