Annales des Mines (1875, série 7, volume 8) [Image 139]

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EXPOSÉ DES TRAVAUX

DE M. ÉLIE DE BEAUMONT.

Les systèmes de représentation de nos cartes, dès qu'elles embrassent des régions un peu étendues, sont si imparfaits, qu'ils défigurent considérablement tout ce qui s'éloigne du centre de la carte, et que sur aucune d'elles on ne peut tracer un grand cercle simplement avec une règle ; les faits

actuelle sont tous du domaine inorganique ; tous sont soumis à des lois que nous connaissons en partie ; aucun n'est abandonné au hasard, et nous devons prévoir et hâter le jour où la théorie de la terre permettra aux géologues de déterminer par le calcul les états successifs par lesquels a passé le globe, comme les astronomes le font pour le ciel, en partant de quelques principes simples.

fondamentaux, la base des travaux d'Élie de Beaumont échappent dès lors à Cette lacune doit, si je ne me trompe, être bientôt comblée par la publication d'un atlas ad lin e. Le parrallélisme des chaînes éloignées deviendra alors évident, et chacun pourra s'éclairer sur la valeur de ces coïncidences. Élie de Beaumont n'était pas le premier qui se fût préoccupé de chercher des relations simples entre les directions des couches des systèmes de montagnes ou des formes des continents. Les rapports généraux des formes des continents, la terminaison en pointe vers le sud, les positions analogues de Ceylan et de la Terre de Feu, les intersections à angle droit des traînées des îles volcaniques du Pacifique, ont de tout temps préoccupé les géographes. Lorsque M. de Humboldt partit en 1798 pour l'Amérique, il était préoccupé d'idées semblables. Les couches des terrains qu'il avait observées en Saxe et clans une portion des Alpes étaient dirigées nord-est, et il en avait conclu hâtivement que c'était la loi générale du globe. La lettre par laquelle il annonce son arrivée à Caracas, où il avait trouvé encore les couches nord-est, était pleine d'enthousiasme ; mais peu de jours après il atteignait les Andes, et voyait alors la direction nord-sud régner sur une immense étendue. Cette préoccupation repose sur le principe même de l'esprit scientifique ;

ce n'est pas à notre époque, où l'on veut soumettre au calcul les mouvements si capricieux en apparence de l'atmosphère et même les sensations de l'homme, que l'on doit traiter de chimérique la recherche de la solution du 'problème qu'Élie de Beaumont s'était posé. Les phénomènes qui ont donné à la terre sa forme

Jusqu'ici je n'ai eu à vous parler que de faits ; il est temps d'essayer de remonter à leur cause. Regardez encore

une fois ces couches plissées du terrain houiller de nos contrées. La nature n'est-elle pas prise sur le fait, et peuton nier la compression énergique qui venant du sud, a refoulé sur elle-mêmes ces assises épaisses de plusieurs milliers de mètres, qui a poussé comme un coin gigantesque le bord sud de cette fente et l'a obligé à gravir ce plan. incliné. A la même époque, dans les monts Appalaches, la même chose se produisait, et si je n'ai pas dessiné la structure de ces montagnes, c'était pour ne pas produire deux fois la même figure. Prenons un autre exemple. Voici (*) une coupe des Alpes près de Chamounix. Les couches se sont repliées sur elles-mêmes ; la compression a été si vio-

lente que la masse granitique du mont Blanc, écrasée et laminée, s'est divisée en feuillets verticaux qui, s'élançant d'un seul jet vers le ciel, ont produit ces formes hardies des aiguilles de la chaîne du mont Blanc.

Ici encore, à une époque moderne, nous retrouvons le même phénomène qu'il l'époque houillère : une grande fente sur laquelle a remonté, un massif énorme : dans les

deux cas la surface de la terre a diminué, comme celle d'une feuille de papier que l'on replie sur elle-même ; et ce

n'est pas en un point seulement, mais sur une immense (*) La coupe des Alpes exposée à. la séance était une reproduction de la figure donnée par M. Lory, (Bulletin rie la Société géologique.)