Annales des Mines (1875, série 7, volume 7) [Image 112]

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NÉCROLOGIE.

NÉCROLOGIE.

de cette tombe, les pensées qui se rattachent à l'éternité ont seules quelque. valeur. Mais nous devions cet hommage à sa mémoire. Ses en-

fants, qui l'auront à peine connu, pourront retrouver un jour le témoignage de l'estime que leur père, bien jeune encore, avait déjà su mériter. Sa compagne désolée saura que le Conseil d'État, l'École libre des sciences politiques et la Société de législation comparée sont très-sensibles à la perte cruelle qu'ils viennent de faire et s'associent, avec une sympathie d'autant plus vive, à sa profonde douleur.

M. ALFRED DURAND-CLAYE,

INGÉNIEUR DES PONTS

ET CHAUSSÉES.

Messieurs, avant que la tombe de notre cher Demongeot soit fermée à tout jamais, permettez-moi de lui dire un der-

nier adieu, au nom de ses amis et camarades de l'École polytechnique. Il était le premier de notre promotion; nous nous le rappelons arrivant déjà à l'École dans un excellent

rang, puis prenant bien vite la tête ; toutes les branches multiples de l'enseignement de l'École, il les embrassait avec la même facilité, avec le même succès, joignant d'ail-

leurs à de hautes facultés mathématiques une excellente éducation littéraire. Dès cette époque, il avait une facilité d'élocution et une maturité d'esprit étonnantes chez un jeune homme de vingt ans; ses camarades en étaient surpris et charmés; nous étions tous fiers de notre cher major. Sorti de l'École polytechnique, il savait, par un travail assidu et méthodique, aidé d'une intelligence supérieures mener de front la double carrière d'ingénieur des mines et d'avocat. Après avoir été quelque temps chargé d'un service en province, il revint à Paris et fut élu l'un des secrétaires

de la conférence des avocats. C'est alors, en 1869, qu'il prit la jeune et charmante compagne qui pleure à la fois

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aujourd'hui son mari et son enfant. C'est alors aussi qu'il manifesta courageusement cet esprit libéral et élevé qui ne l'a pas quitté un instant durant sa trop courte carrière. La guerre arrive et avec elle le siège de Paris, où les questions d'approvisionnement prennent une terrible importance; il devient le collaborateur zélé du ministre du commerce, ancien ami de sa famille; il court aux magasins, il travaille

dans les bureaux, toujours avec son admirable netteté d'esprit. La Commission provisoire chargée de remplacer le Conseil d'État impérial se forme ; sa place y était marquée; il mène de front ses nouvelles fonctions d'auditeur avec son travail des approvisionnements. En 1872, le Conseil d'État est reconstitué ; Demongeot y devient maître des

requêtes, aux applaudissements de ses chefs et de ses collègues.

Tout semble alors sourire à notre excellent ami ; une compagne adorée, trois enfants, des amis qui lui étaient dévoués

du fond du coeur, nous en répondons ! Vous venez d'entendre en quelle estime il était tenu an Conseil d'État: A la Société de législation comparée, à l'École des sciences politiques, un succès toujours croissant et qui ne ralentissait jamais son ardeur au travail. Chacun de ses succès semblait lui imposer une nouvelle tâche, qu'il remplissait toujours avec le même bonheur. Messieurs, vous savez tous le drame navrant qui nous réunit autour de cette tombe; une pauvre enfant enlevée en quatre jours, sous les yeux, dans les bras de notre ami ; lui, ne la quittant pas, se penchant sur sa couche, recueillant son dernier souffle et contractant du même coup le

mal terrible; terrassé en quelques joins, maître de lui jusqu'à la dernière heure, se voyant mourir sans faiblesse, appelant à son chevet sa chère compagne et s'éteignant, l'intelligence libre, calme, résigné, ayant un mot d'adieu, un souvenir pour chacun