Annales des Mines (1866, série 6, volume 10) [Image 25]

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INFECTION DES EAUX.

FABRIQUES DE COULEURS.

dans l'industrie de la fuchsine, qui donne lieu à des rési dus très-dangereux d'arséniate et d'arsénite de soude. Vainement a-t-on essayé de les transformer en sels insolubles de chaux : la réaction, quelque soin qu'on y mette, n'est jamais complète, et l'expérience a prouvé qu'une proportion dangereuse d'arsenic reste toujours dans les liqueurs. Force a donc été de chercher des procédés spéciaux plus

fosses parfaitement étanches. Au bout d'un temps, qui atteint quelquefois huit jours, et de nombreux brassages, on écoulait la partie liquide à la rivière et les boues étaient em-

efficaces. Certains sont déjà appliqués, d'autres sont encore en voie d'expériences ; mais dès aujourd'hui on peut dii-e que la solution définitive du problème sera clans l'utilisation même des résidus, c'est-à-dire dans la régénération de l'arsenic, qui passera à des opérations ultérieures : nouvelle confirmation de cette loi que nous avons bien souvent observée, que, presque toujours, le problème de l'assainissement se résoud par un progrès industriel.

Nous rappellerons brièvement le mode de fabrication suivi jusqu'à ces derniers temps. L'aniline et l'acide arsénique sont mis à réagir clans une cornue chauffée au bain d'huile. On obtient ce qu'on nomme la matière brute, mélange de rouge d'aniline, d'acides arsénique et arsénieux, d'aniline non transformée, de matières résinoïdes et charbonneuses, etc.... On la broie, et on la traite par l'eau bouillante et l'acide chlorhydrique. On sépare ainsi le rouge de la plus grande partie de l'acide arsénieux, qui reste dans le résidu insoluble. La dissolution est elle-même traitée par le carbonate de soude, qui précipite le rouge et laisse l'acide

arsénique dans la liqueur, avec la faible portion d'acide arsénieux qui avait échappé à la première séparation. Les résidus dangereux sont donc, d'une part, un magma boueux où domine l'acide arsénieux, et, d'autre part, un liquide dans lequel domine l'acide arsénique. Aux usines de Rochecardon et de Pierre-Bénite à Lyon, on s'en débarrassait de la manière suivante. Les boues sont déposées dans des bassins, et les liquides qui en dégouttent, réunis à ceux

des autres opérations, sont traités par la chaux dans des

barillées pour être jetées dans la mer, à Marseille. C'est cette évacuation pratiquée à Pierre-Bénite, non directement dans

le Rhône lui-même, mais dans un bras perdu, où l'eau est stagnante, qui a produit ces graves phénomènes d'infection des puits dont nous parlions tout à l'heure. Interdiction a

été portée, vers la fin de 1864, de continuer ce genre d'opérations. Les directeurs des deux établissements se sont mis alors en devoir, chacun de son côté, de transformer la fabrication en se donnant pour but de régénérer l'ar-

senic c'est-à-dire de l'extraire des résidus pour le faire entrer de nouveau dans les opérations. Voici à quelles méthodes ils sont arrivés. M. Durand, à Rochecardon, traite la matière brute, obtenue par la voie ordinaire, dans un appareil distillatoire contenant de l'eau et de la soude caustique dans les proportions nécessaires pour saturer complètement les acides arsenicaux mêlés à la matière colorante. L'aniline non transformée qui se trouve dans la matière brute, passe à la dis-

tillation, tandis que la matière colorante insoluble reste dans l'appareil. La liqueur contient la totalité. de l'arsenic, à l'état de sels de soude. On enlève la fuchsine, qu'on purifie séparément par les procédés ordinaires, et la liqueur est évaporée de façon à obtenir, par cristallisation, l'arséniate et l'arsénite de soude. Ces sels sont ensuite traités par -l'acide sulfurique et régénèrent l'arsenic. Cette méthode est actuellement appliquée en grand à Rochecardon -

(*) M. Jean Rod Ceigy, b Bide, qui a pris la succession de la maison .T. J. Muller et G', emploie depuis quelque temps une méthode

peu différente de celle de Rochecardon : il évapore à siccité le mélange d'arséniate et d'arsénite de soude et le vend aux fabricants d'acide arsénique. M. Durand n'est plus directeur de Ilochecardon et sa méthode a cessé d'y être pratiquée. (Note de novembre 3.866.)