Annales des Mines (1856, série 5, volume 10) [Image 64]

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FORMATIONS SECONDAIRES

inents calcaires placés au-dessus. Une immense fracture s'est produite au-dessus de l'endroit où est bâti Roquefort, sur une longueur de 2. 5o o mètres environ

le front de la montagne s'est brusquement affaissé,

puis a glissé sur le talus marneux l'espace d'une centaine de mètres. La cassure est rectiligne et dirigée dans le sens de la vallée; elle présente, sur toute sa longueur, une paroi verticale bordée d'un large fossé correspondant à l'amplitude du glissement. Au-dessus de la vieille chapelle de Saint-Pierre, la paroi a plus de 100 mètres de haut, et le fossé 15o de large. L'ébranlement et la chute de la montagne emmenèrent des éboulements, des dislocations, et finalement un désordre, qui impriment à ce lieu le cachet de la solitude et de la désolation. Le silence est troublé seulement pitr le cri des cor-, neilles , que répercute un écho sonore. Partout des blocs épars sur de grands talus pierreux, ou entassés pêle-mêle. Quelques aiguilles hardies se dressent au milieu des masses renversées ; des couloirs resserrés et obscurs, souvent obstrués par les éboulis, séparent les tronçons de la montagne abattue; semblables à des cryptes ténébreuses, ils sont un objet de crainte superstitieuse pour les habitants, qui les désignent sous le nom de las Baragnaoudos, ou Roches de la peur. C'est au milieu de ces débris que s'élèvent les maisons et que sont établies les célèbres caves de Roquefort : celles-ci sont des cavités ménagées au milieu des quartiers de roches éboulées, agrandies ou même creusées par la main de l'homme, et non des grottes naturelles ouvertes dans l'oolite, comme on le pense généralement. Ce qui les rend très-singulières, ce sont les soupiraux ou conduites souterraines qui y soufflent

DES ENVIRONS DE SAINT-AURIQUE (AVEYRON).

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sans cesse un air très-froid et très-humide. La température moyenne des caves varie de 6 à 7 degrés centigrades; nous avons trouvé seulement 5 degrés dans la plus froide de toutes (la cave appelée l'Enfer), et encore la fermentation des fromages devait-elle produire un certain échauffement. On peut admettre que certains soupiraux laissent échapper de l'air à 4 degrés, et, dans tous les cas, il est complètement saturé d'humidité. L'intensité du courant est souvent assez forte pour éteindre les lumières. Une étude attentive des localités permet d'expliquer très-facilement ces curieux phénomènes (fig. i8). L'air extérieur entre au pied de l'escarpement dans les éboulis par des orifices naturels u , parcourt des canaux plus ou moins sinueux, et va ressortir par d'autres orifices g, y, placés à un niveau inférieur. La colonne gazeuse en a est plus froide que celle qui presse

en g ou y, à cause de l'exposition en plein nord de l'escarpement. La colonne engagée dans la conduite souterraine est aussi généralement plus froide que l'air extérieur en ô et en y, et ces deux causes suffisent pour déterminer et entretenir l'aérage. La basse température et l'état hygrométrique de l'air des soupiraux s'expliquent par une évaporation trèsactive qui a lieu pendant le trajet du gaz. Il existe en effet au-dessous des éboulis une nappe d'eau qui coule sur les marnes et qui est considérable, s'il faut en juger par les sources abondantes jaillissant sur le versant de la vallée. On pourrait croire que le courant d'air doit se renverser en hiver, lorsque la température extérieure est plus basse que celle des caves ; il n'en est rien cependant, et cela ne doit pas surprendre, car l'on sait que l'aérage une fois établi dans un sens, persiste souvent TOME X, ,856.

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