Annales des Mines (1841, série 3, volume 20) [Image 334]

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JURISPRUDENCE

cours de Lyon et de Bijou, il l'a développée et soutenue avec toute la supériorité de son talent. La cour de cassation n'a point toutefois accueilli cette opinion. Elle a adopté les motifs qui avaient déjà déterminé la chambre civile dans sa décision du 18 juillet 1837;

et par un arrêt, en date du 3 mars 181, elle a statué ainsi qu'il suit La cour, Ouï M. Isambert, conseiller, en son rapport, M. Colfinières, avocat des demandeurs, Me Piet , avocat des défendeurs, en leurs observations, et M. Dupin , procureur général, en ses conclusions ; Après en avoir délibéré en la chambre du conseil ; Yu l'art 9 de la charte constitutionnelle et l'art. 545 du Code civil relatif à l'indemnité due à ceux qui sont dépossédés de Leur propriété pour cause d'utilité publique » Vu aussi l'article 1382 du Code civil, d'après lequel

tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un

dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; » Vu enfin l'article 7 de la loi du 21 avril 1810, sur les mines; » Attendu que, par dérogation à l'article 552 du Code civil (1), cet article 7 déclare que les concessions de mines en

confèrent la propriété perpétuelle ; que cette propriété est disponible et transmissible comme les autres immeubles, dont nul ne peut être exproprié que dans les cas et selon les formes prescrites pour les autres propriétés, conformément au Code civil, c'est-à-dire sans indemnité; » Attendu que tout propriétaire a droit à cette indemnité, non-seulement lorsqu'il est obligé de subir l'éviction entière de sa propriété, mais aussi lorsqu'il est privé de sa jouissance et de ses produits, pour cause d'utilité publique ; que seulement dans ce cas l'indemnité n'est pas préalable » Attendu que la concession d'une mine a pour objet l'exploitation de la matière minérale qu'elle renferme ; que le concessionnaire auquel cette exploitation est interdite pour un fait à lui étranger, sur une partie du périmètre de la mine, pour un temps indéterminé, est privé des pro(I) Voir ci-dessus, page 652.

DES MINES.

659 duits de sa propriété, et éprouve une éviction véritable dont il doit être indemnisé; » Attendu qu'à la vérité l'article 50 de la loi du 21 avril 1810 confère à l'autorité administrative le droit de pourvoir, par des mesures de sûreté publique, à la conservation des puits, à la ;:olidité des travaux de la concession et à la sûreté des habitations de la surface ; » Mais que cette disposition n'altère en rien le droit de propriété du concessionnaire, et ne lui impose pas l'obligation de subir la perte d'une partie de sa concession, à raison de la création d'un établissement nouveau, sans

cette juste indemnité ; » Attendu que si, nonobstant la concession de la mine, les droits inhérents à la propriété de la surface restent entiers, conformément à l'article Mi du Code ci vil, il ne s'ensuit pas que le propriétaire de la surface ait le droit de pratiquer des travaux nuisibles à l'exploitation , clans l'étendue de son périmètre;

» Et attendu qu'il n'est pas dénié , en fait, par l'arrêt

attaqué, que la compagnie du chemin de fer, dont la concession d'ailleurs est postérieure à 'l'établissement de la mine, a poussé ses travaux dans le périmètre de la mine, sans que cette concession ait été soumise à aucune réserve en faveur du parccmrs du chemin de fer; que dès lors ladite compagnie aurait porté une atteinte directe à l'exploitation de la mine ; qu'elle se serait donc rendue passible d'une indemnité à évaluer, à raison d'une éviction dout elle profiterait, et d'une interdiction qui n'aurait pas été prononcée par l'autorité administrative, si cette voie, nouvelle n'avait été établie

» Que néanmoins l'auêt attaqué a refusé aux demandeurs toute action en indemnité, au sujet des interdictions prononcées par l'arrêté préfectoral du 25 novembre 1829; qu'en jugeant ainsi, cet arrêt a faussement appliqué l'article 552 du Code civil , mal interprété l'article 5e et formellement violé l'article 7 de la loi du 21 avril 181,0, ainsi que les articles 545 et 1382 du Code civil et l'article 9 de charte constitutionnelle » Par ces motifs, la cour casse et annule l'arrêt rendu, le 25 mai 1838, par la cour royale de Dijon , remet les parties au même et semblable état où elles étaient auparavant;