Annales des Mines (1839, série 3, volume 15) [Image 357]

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JURISPRUDENCE de

nité ; dans le second cas, cette indemnité paraîtrait être droit. On a élevé deux autres objections On a dit que souvent, par les cahiers de charges , les concessionnaires de mines sont astreints à laisser des massifs intacts , soit dans le voisinage des concessions limitro-

phes, soit pour des conditions de sûreté ; que pourtant

on ne considère pas comme des dépossessions ces privations qui leur sont imposées. Sans doute , lorsqu'il dispose d'une mine, le gouvernement est libre d'en fixer le périmètre comme il l'entend , d'imposer toutes les restrictions que réclame l'aménagement des richesses souterraines ou la conservation des hommes et des choses. Celui à qui on concède une mine ne peut prétendre qu'on le dépossède, qu'on le prive de ce qui lui appartient quand on lui interdit d'exploiter tels ou tels massifs ; il n'avait aucun droit sur le gîte minéral avant la concession. La réserve de ces massifs est analogue à l'obligation du bornage pour les propriétés de la superficie, ou aux ouvrages de consolidation que les règlements exigent pour les constructions et

les édifices. Mais lorsqu'après coup, quand un concessionnaire jouit paisiblement de sa mine, quand il en di. rige convenablement les travaux, on vient lui interdire de l'exploiter dans une certaine partie dont on s'empare, il y a là pour lui véritable éviction , il est bien réellement dépossédé.

Enfin on a objecté que lorsqu'il s'agit d'une expropriation , les lois de la matière veulent que le montant de l'indemnité due pour la propriété expropriée soit réglé par avance ; que, polir une portion de mine cette détermination préalable est impossible dans la plupart des cas,

parce que, quand il est question, par exemple, d'un

chemin de fer à établir, ce n'est qu'après que le chemin est construit qu'on peut apprécier l'étendue du massif qui est à réserver. Quand il serait vrai que toutes les formes de l'expropriation ne sont pas ici applicables, le principe qu'une indemnité est due, et que c'est aux tribunaux à fixer cette indemnité , n'en subsisterait pas moins ; les formes ne sont que l'accessoire, c'est le fond même du droit qu'il faut considérer.

Concluons donc, en nous bornant aux conséquences qui dérivent de l'ordonnance royale du 8 avril 1831 , rendue

dans l'espèce, et de l'arrêt de la cour de cassation

du

DES MINES. 705 18 juillet 1837, que, lorsqu'un chemin de fer vient à tra, verser le périmètre d'une concession, et exige, au nom de l'utilité publique, le sacrifice d'une portion de mine qui ne pourra plus être exploitée tant que durera ce chemin de fer, cette interdiction d'exploiter le Massif réservé constitue une éviction , une expropriation , pour laquelle une indemnité est due ; que cette expropriation n'a rien de contraire au principe de l'indivisibilité, sans autorisation , des concessions, et que c'est aux tribunaux qu'il appartient, dans ce cas, de déterminer le -montant de l'indemnité à payer au concessionnaire de la mine par la compagnie adjudicataire du chemin de fer Que, toutefois, si la concession du chemin de fer était antérieure à la concession de la mine, il ne serait point dû d'indenmité. L'obligation de conserver le massifne pourrait alors être considérée comme une éviction, mais comme une servitude de la mine à l'égard du chemin de fer établi , la concession du gîte minéral n'ayant pu être instituée que sous la réserve des droits précédemment acquis aux entreprises déjà existantes dans l'intérieur du périmètre, comme elle n'est- faite que sous la réserve des interdictions que la loi impose pour la garantie des propriétés de la surface. Ainsi qu'on l'a vu au commencement de cet article, l'administration a été d'avis que, dans l'affaire dont nous venons de rendre compte, une indemnité était due aux concessionnaires de la mine de Couzon , à raison, de l'éviction, du dommage que leur faisait éprouver l'établissement du chemin de fer. Un premier arrêt de la cour de cassation a prononcé dans le même sens; et quelle que soit la décision définitive à intervenir dans cette affaire, on peut dire que ce principe de l'indemnité pour empêchement d'exploitation, pour privation de jouissance,

pour dépossession, en- lin mot, de l'exercice du droit de propriété, doit prévaloir désormais dans toutes les circonstances de même nature. En effet les cahiers de charges relatifs aux chemins de fer contiennent maintenant une clause ainsi conçue : c< Si la ligne du chemin » de fer traverse un sol déjà coricédé pour l'exploitation » d'une mine , l'administration déterminera les mesures à » prendre pour que l'établissement du chemin de fer ne

» nuise pas à l'exploitation de la mine, et réciproque» ment pour que, le cas échéant , l'exploitation de la » mine ne compromette pas l'existence du chemin de

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