Annales des Mines (1837, série 3, volume 12) [Image 321]

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JURISPRUDENCE

comme un patrimoine, comme un bien de famille. Quant aux autres concessionnaires, il n'avait aucun motif pour leur accorder la même faveur. Il y aurait même eu de la contradiction à procéder ainsi ; car, rendre une concession perpétuelle, de temporaire qu'elle était, c'est en quelque sorte la concéder de nouveau ; c'est la prendre oit elle finit pour la faire revivre, et il est évident qu'une loi, qui n'admet plus les concessions d'une certaine matière minérale, n'a pu avoir la pensée de donner la perpétuité à ces mêmes concessions. Les titulaires n'ont point à se plaindre, ils n'ont rien à réclamer ; quand on laisse .à leur possession toute la durée fixée dans leurs titres , on fait tout ce qui est juste à leur 'égard. Sur quoi pourraient-ils se fonder pour prétendre la conserver au delà du temps pour lequel ils l'avaient obtenue ? Assurément ce n'est pas sur une loi qui est venue précisément déclarer. que cette matière n'est point concessible ; mais à côté d'eux se trouvent les propriétaires du sol : ceux-là sont véritablement fondés a revendiquer, à l'expiration du terme de la concession , ce qui, d'après la loi nouvelle , forme une. dépendance de la propriété de la surface ;- c'est envers eux. que l'on serait injuste, si on leur interdisait de rentrer dans

ce qui leur appartient, dans un bien. dont ils n'étaient privés que temporairement. D'après les motifs qui viennent d'être exposés, le mi-

nistre des travaux publics, de l'agriculture et du commerce a, sur la proposition .du directeur général des ponts et chaussées et des mines, et par décision du 25 novembre 1837, maintenu l'arrêté de 1812 dans les dispositions qui portaient que les concessions d'Urcel et de Chail-

levet n'auraient d'autre durée que celle qui était fixée. par les décrets d'institution ; et il a rapporté cet arrêté' dans la disposition seulement qui laissait l'option aux concessionnaires, en ce qui concerne la redevance proportionnelle due à l'état il a statué que cette rede-

vance serait perçue conformément aux règles établies par

la loi du 21 avril 1810 et le décret du 6 mai 1811.

Nous citerons à cette occasion un autre exemple dans. lequel le principe, que les articles 51 et 53 de la loi ne concernent point les substances qui ne sont plus conces' sibles, a reçu son application en matière de carrières.

Un arrêt du conseil, du 6 mars 1787, a accordé à une compagnie le droit d'exploiter pendant trente ans, dans un.

637 ardoisières de Rimogne, dans le rayon de 1,500 toises, les département des Ardennes. Plusieurs années après, en 1795, des propriétaires du soi, ayant voulu extraire de l'ardoise sur ce même terDES MINES.

rain, un arrêté du comité ide salut public, du 13 mes-

sidor an HI, maintint la compagnie dans la jouissance de sa concession, dont le terme n'était point encore expiré et fit défense de la troubler. En l'an IV, même décision du directoire exécutif, du 8 nivôse, à l'occasion de nouveaux troubles que cette société avait éprouvés. En 1811 , la conipagni6.demanda que sa concession fût délimitée et déclarée perpétuelle, réclamant à cet égard le bénéfice des articles 51 et 53 de la loi de 1810, qu'elle soutenait lui être applicables. Les autorités locales proposèrent d'accueillir cette demande.

Le conseil général des mines conclut dans le même sens, mais par cette considération toute spéciale, que

ces ardoisières , d'après l'importance de leur exploitation et la nature des travaux d'art qu'elles exigeaient, se trouvaient dans une catégorie particulière, analogue à celle des' gîtes minéraux que la loi regarde comme concessibles.

Le ministre de l'intérieur proposa de proroger pendant vingt années la permission d'exploiter ; il présenta à cet effet un projet de décret.. Mais le conseil d'état, considérant que les ardoisières sont rangées parmi les substances qui font partie de lalpropriété de la superficie, et dont l'exploitation n'est assujettie qu'à la surveillance de la police et de l'administration ; que, par conséquent, à l'expiration des trente années fixées par l'arrêt de 1787, les propriétaires du sol auraient le droit de rentrer en possession des portions de ces ardoisières qui seraient situées sur leurs terrains, a pensé qu'on ne pouvait accorder à la compagnie aucune prorogation de permission. Seulement, observant, d'un autre côté, que la loi n'avait pas prévu le cas où de grandes exploitations, telles que celles de Rimogne, ont besoin de s'étendre, pour le développement de leurs travaux, sur des terrains d'autrui; que si les propriétaires du sol s'opposaient un jour à ces exploitations pour se livrer eux-mêmes à des extractions partielles et isolées, il pourrait en résulter un grave pré-

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