Annales des Mines (1913, série 11, volume 2, partie administrative) [Image 500]

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JURISPRUDENCE.

JURISPRUDENCE.

sommes qu'il a dépensées pour l'exécution des travaux qu'il a exécutés et qui sont ainsi devenus inutiles, faute d'avoir pu être par lui achevés et menés à bonne fin; attendu que l'article 10 de la loi précitée autorise l'allocation de dommagrîs-intérêts dans le cas de suspension, d'interdiction ou de destruction de travaux qui sont prévus aux articles 4, 5 et 6 de ladite loi ; qu'à vrai dire l'interdiction qui a été faite à Duval ne rentre dans aucun des cas qui sont précisés dans lesdits articles ; que, toutefois, il échet de considérer, en s'appuyant sur les travaux préparatoires de cette loi, que les énonciations de l'article 10 ne sont pas limitatives et que cette disposition est générale et s'applique à tous les travaux qui ont été légitimement entrepris et dont l'exécution se trouve arrêtée en vertu de l'application de l'un des articles de la loi susdatée; attendu que la seule condition pour que la demande d'indemnité soit admissible en principe est que les travaux dont l'interdiction sert de base à cette demande aient été légitimement entrepris, que cela résulte non seulement des travaux préparatoires de la loi, mais aussi de l'application des principes généraux du droit; attendu qu'on ne saurait considérer comme ayant été légitimement entrepris des travaux qui ne l'ont été qu'alors qu'il était de notoriété publique que le propriétaire d'une source voisine était en instance pour la faire déclarer d'utilité publique, et qu'il est d'autre part manifeste que lesdits travaux n'ont été exécutés que dans le but de faire échec à la mesure ou protection sollicitée et d'en paralyser à l'avance les efforts; attendu que des documents de la cause il résulte que c'est en mai 1906 que la société défenderesse a introduit sa demandeà l'effet d'obtenir la déclaration d'intérêt public dessources lui appartenant et la fixation d'un périmètre de protection ; que le 13 juin 1907, un arrêté du préfet de l'Orne prescrivit l'affichage de cette demande et son insertion dans les journaux de la région, ainsi que l'ouverture d'une enquête; que Duval fut, sur sa demande, entendu dans ladite enquête ; que postérieurement à la date du 18 octobre 1907, il passa avec les sieurs Vaissaire etPardouxun traité ayant pour objet le creusement de plusieurs puits dans sa propriété, que la commission chargée de donner son avis sur le résultat de l'enquête se réunit le 18 novembre 1907 et émit un avis favorable, qu'à la vérité elle proposa de réduire le périmètre sollicité, mais que, malgré cette réduction, le terrain de Duval se trouvait encore dans le périmètre de protection ; que néanmoins, à la date du 23 février 1908, Duval passa un nouveau marché avec les sieurs Hulster, aux termes duquel

ceux-ci s'engageaient à exécuter sur son terrain des sondages de 65 mètres au moins et d'un diamètre initial de 43 centimètres ; que Duval fit immédiatement commencer les travaux, les poursuivant de jour et de nuit, avec une hâte extraordinaire, qu'il les continua sans interruption jusqu'à ce que fût rendule décret du 17 décembre 1908, lequel déclarait d'intérêt public la source minérale dite « Grande Source » alimentant l'établissement thermal de Bagnoles et attribuait à cette source un périmètre de protection englobant le terrain de Duval, que les travaux de forage exécutés par celui-ci avaient alors atteint une profondeur de 136 mètres sans du reste avoir abouti à la nappe d'eau cherchée; attendu que dans toutes les protestations par lui adressées aux autorités compétentes . au cours de la-procédure administrative qui s'est terminée par le décret d'autorisation susdaté, Duval a toujours déclaré qu'il n'avait d'autre but, en entreprenant ces travaux, que de rechercher de l'eau potable, mais que cette prétention ne saurait être admise, qu'il résulte en effet des documents de la cause qu'en 1907 la propriété de Duval était suffisamment pourvue d'une eau potable de très bonne qualité grâce aux puits qu'il y avait fait creuser quelques années après; qu'il s'en est rendu acquéreur en 1901 et 1902; qu'en outre la quantité d'eau potable qu'il avait ainsi à sa disposition a encore été augmentée par celle que lui donnent les puits qu'il a fait creuser en 1907, par Vaissaire et Pardoux, et qui lui ont coûté 7.862 fr. 25 ; que, s'il n'avait vraiment eu d'autre but que de rechercher de l'eau potable, if se serait alors arrêté, qu'il est manifeste qu'en passant un second marché avec d'autres entrepreneurs pour faire pratiquer des sondages qui ont été poursuivis jusqu'à une profondeur de 136 mètres et qui lui ont coûté plus de 40.000 francs, Duval, cherchait non plus l'eau douce qu'il avait alors en quantité plus que suffisante, mais l'eau minérale ; que de la lecture des rapports des ingénieurs consultés au cours de l'enquête administrative se dégage nettement cette impression qu'en se livrant à un travail considérable conduit nuit et jour avec une hâte fébrile, dans le voisinage immédiat de l'Etablissement thermal, Duval cherchait à atteindre l'eau qui alimente la « Grande Source » et à la détourner à son profit avant l'obtention du décret de protection ; Attendu qu'une entreprise de cette nature ne saurait être considérée à aucun titre comme un travail exécuté légitimement et susceptible, en cas d'échec, de procurer à celui qui en a conçu l'idée l'allocation de dommages-intérêts;