Annales des Mines (1911, série 10, volume 10, partie administrative) [Image 416]

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prospérité de la caisse, à l'intervention des pouvoirs publics, et qui visiblement ne s'est inspirée des débals parlementaires précurseurs de la loi de J 894 que pour échapper à l'étreinte du nouveau régime; que sans doute on trouve à la suite, revêtue du visa approbatif de la société, une autre délibération du même comité, contenant un projet de règlement qui fonde une nouvelle caisse de retraite alimentée par les intérêts du capital de l'ancienne caisse et en outre par une retenue mensuelle de 2 francs par tête sur le salaire de chaque ouvrier et une rétribution mensuelle à la charge de la société de i frapc par tête sur le même salaire, mais que, daté du 29 août 1894, ce simple projet ne saurait donner lieu à l'application des dispositions transitoires du 29 juin 1894, et qu'au surplus il est resté lettre morte, remplacé qu'il a été par le règlement du 21 avril 1895; Attendu que, même dans l'hypothèse où le règlement litigieux puiserait son .principe dans les délibérations antérieures à la loi de 1894, prises valablement, le système de défense de la sociéié n'aurait pas plus de force ; qu'il ne serait pas moins certain qu'eu dépit de ses déclarations solennelles du 7 avril 1895 attestant aux ouvriers qu'elle apportait aux règlements anciens les modifica tions exigées par la législation nouvelle, elle aurait introduit dans le statut dont elle assumait la responsabilité et L'initiative des articles manifestement contraires aux idées directrices et fondamentales de la loi du 29 juin 1894, tel l'article 1er qui maintient la confusion de la caisse de secours et de la caisse des retraites malgré les prohibitions de l'article 24 de la loi de 1894, tels les articles 2 et 3 qui frappent les ouvriers de la retenue du 2 p. 100 de leurs salaires dont ils sont libérés envers l'Etat, pour seulement astreindre la société à un versement éventuel indéterminé, n'offrant d'autre garantie que sa solvabilité, tel l'article 4 qui destitue tous les ouvriers de leurs droits soit à la retraite proportionnelle, soit à la retraite définitive, s'ils acceptent du travail sur les chantiers d'une autre compagnie minière, sans qu'on puisse, devant la rigueur des termes, s'arrêter à l'interprétation restrictive proposée ici par la compagnie pour supprimer l'atteinte certaine portée à la liberté du travail et au caractère intangible de la retraite ; Attendu qu'en toute éventualité, il y a donc lieu de reconnaître que le règlement de 1895, qui jamais n'a été l'objet d'une autorisation administrative et n'a que la valeur d'un contrat, est inopposable à Bernard comme en contradiction avec des dispositions d'ordre public et reposant sur une cause illicite, d'où il appert

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qu'il est frappé prescription de Attendu qu'à fondé à répéter

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d'une nullité radicale que ne saurait couvrir ni dix ans ni ratification ; titre de sanction de cette nullité Bernard est contre la compagnie :

1° Les retenues mensuelles qu'elle a opérées sur son salaire à partir du jour .où la loi est devenue exécutoire, retenues dont le total, sauf erreur, s'élève à la somme de 235 francs; 2° Les versements corrélatifs que les exploitants auraient dû faire en son nom et pour son compte depuis la même époque à la caisse des retraites, lesquels sont également de la somme de 235 francs si mieux n'aime toutefois la compagnie constituer au demandeur un livret individuel le rétablissant exactement dans les avantages dont il jouirait si elle avait réalisé les versements prévus et prescrits par l'article 2 de la loi du 29 juin 1894; Attendu qu'au même titre Bernard est en droit d'obtenir la restitution des retenues qui ont été faites sur son salaire de 1889 au 7 avril 1895 et dont le chiffre, sauf erreur, s'élève à 147 fr. 25, ces recherches étant devenues sans cause ; mais qu'il n'est pas recevable à demander, quanta présent, la part susceptible de lui échoir sur les sommes que la compagnie à dû verser dans l'ancienne caisse de secours, si tant est qu'il puisse de ce chef être fondé à agir, une telle demande supposant une liquidation en règle de cette caisse et ne pouvant se faire jour en l'absence des parties intéressées; Attendu que pas davantage l'appelant n'est au cas de prétendre à des dommages-intérêts proprement dits, ni à d'aulres intérêts que ceux de la loi, soit parce qu'il a concouru par son adhésion prolongée à la situation contre laquelle il proteste, soit parce qu'il ne peut tout à la fois poursuivre la nullité d'un contrat et en réclamer le bénéiicc, soit parce que la compagnie a fidèlement rempli ses engagements, même quand ils profitaient aux ouvriers, et ne paraîtavoir manqué jusqu'ici àaucune de ses promesses; Attendu que la partie succombante doit être condamnée aux dépens; Par ces motifs, la cour, Faisant droit à l'appel interjeté par Bernard contre le jugement rendu le 13 juillet 1908 par le tribunal civil de Grenoble; Casse et met à néant ledit jugement, et, prononçant à nouveau: déclare nul et non avenu au regard de l'ouvrier Bernard le règlement des mines du 21 avril 1895 pour être en violation des dispositions les plus essentielles d'une loi d'intérêt public ;