Annales des Mines (1907, série 10, volume 6, partie administrative) [Image 276]

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L'assimilation ainsi faite est tout à fait conforme à lanature des choses. La concession de mines, en effet, présente une analogie des plus frappantes avec la concession d'endigage et avec la concession perpétuelle de travaux publics. La concession d'endigage a pourbut de donnernaissanceàunepropriéténouvelle qui constituera entre les mai us du concessionnaire une propriété perpétuelle, disponible et transmissible comme tous les autres biens et dont il ne pourra être exproprié que dans le cas et selon les formes prescrits pour les autres propriétés, mais il est assujetti au respect des clauses de son titre qui est constitué par le contrat passé entre lui et l'Etat. La concession d'endigage et la concession de mines présentent donc les plus grandes ressemblances. Il en est de même pour la concession perpétuelle de travaux publics. Les canaux, autrefois concédés à titre perpétuel, constituent, entre les mains du concessionnaire ou de ses ayants droit, une propriété ordinaire. C'est ce qu'a reconnu à maintes reprises la cour de cassation, en ce qui concerne le canal du .Midi notamment, en s'exprimant ainsi dans son arrêt du 11 novembre 1867 : « Attendu qu'il a été déjà plusieurs fois décidé par la cour de « cassation que le canal du Midi ne fait point partie du domaine « public; qu'il est la propriété privée de la famille Riquet ou de « ses représentants, sauf les droits de police ou de surveillance « de l'Etat dans l'intérêt de la navigation. » Dans son arrêt antérieur du 10 novembre 1863, la cour de cassation avait déjà reconnu qu'un canal construit en vertu d'une concession de l'Etat constitue, entre les mains du concessionnaire, une propriété privée que celui-ci a le droit de grever de servitudes compatibles avec la destination publique du canal. Le concessionnaire d'un tel canal, comme le concessionnaire d'une mine, est donc en possession d'une propriété dont il peut jouir et disposer comme d'une propriété ordinaire, à charge par lui de respecter les clauses de sa concession, c'est-à-dire d'un contrat passé avec l'Etat. On ne saurait dénier à la concession de mines le caractère d'un contrat, et tel est bien l'esprit de la loi. M. d'Argout, dans son ra, port devant la Chambre des pairs, sur le projet qui est devenu la loi de 1838, en examinant la question du retrait de la concession, s'exprime ainsi : « Au fond, celte question est très simple. H est même inutile de « rechercher si la législation spéciale des mines en donne la solu-

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« lion. C'est dans le droit commun, c'est dans le respect dû aux « contrats, loi générale qui régit l'universalité des propriétés et « la société tout entière, que nous trouvons cette solution... « De quoi s'agit-il en réalité? — De la résiliation d'un contrat « dont la clause fondamentale a été violée. Celte règle ne souffre « aucune exception « « » «

« Or, qu'est-ce qu'une concession ? — Un contrat par lequel le Gouvernement confère gratuitement, à certains particuliers, des biens d'une valeur souvent très considérable, mais sous la condition formelle de les exploiter dans l'intérêt général de la société...

« Ce n'est donc pas parce que les mines sont des propriétés «< d'une nature particulière qu'elles sont susceptibles d'une révo« cation. C'est au contraire parce que la loi de 1810 les a rangées <• parmi les propriétés ordinaires... « » « « «

« Certes, personne n'ira jusqu'à affirmer que la loi de 1810 a fait davantage ; qu'elle ne s'est pas bornée à couvrir les concessionnaires de l'égide du droit commun, mais encore qu'elle lésa placés au-dessus de ce même droit commun en leuraccordant le privilège de s'affranchir impunément des clauses du titre de la propriété.

« Pour prouver que les concessions ne peuvent être résiliées, il faudrait établir que la loi de 1810, contrairement au droit commun, a voulu créer un contrat d'une nature exceplionnelle, contrat qui sera perpétuellement obligatoire pour l'une des parties et ne lierait jamais l'autre. Mais il n'existe dans cette loi aucune trace de ce monstrueux privilège et une pareille prétention serait aussi exorbitante qu'insoutenable. » M. Legrand, directeur général des ponts et chaussées et des mines, à la Chambre "des pairs, disait, le 13 avril 1837 : « Enfin, Messieurs, une concession de mines est un contrat admi« nistratif qui confère des droits perpétuels tant qu'on reste dans « les conditions du contrat, mais qui doit se résoudre dès qu'on « sort de ces conditions expresses... « « « >< « «

« « « « « « »

« Ainsi, messieurs, le concessionnaire d'une mine n'est vérilablement que le délégué du Gouvernement : il n'est véritablement que l'administrateur désigné de la richesse minérale. Le Gouvernement a donc cédé le domaine utile, mais il s'est réservé le domaine direct. Le droit de ce domaine direct est écrit dans l'article 49 de la loi du 21 avrill 810, dont les termes vagues ont pour objet de donner à l'autorité un pouvoir discrétionnaire indéfini et qui a été une véritable transaction DÉCRETS,

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