Annales des Mines (1907, série 10, volume 6, partie administrative) [Image 130]

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ration trop onéreuse pour,qu'il puisse être fait état de cette éventualité... » C'est de cette partie de l'arrêté du conseil de préfecture de la Haute-Savoie que laCic'Paris-Lyon-Méditerranée vous demande l'annulation, en alléguant qu'aux termesde laloi du 27 juillet 1880 elle n'était tenue a aucune responsabilité et qu'au surplus la société minière ne justifie d'aucun dommage direct et matériel résultant pour elle de l'arrêté préfectoral du 10 mai 1902. .Mais, avant de discuter ces moyens, une première question se pose, qui est celle de savoir si la juridiction administrative avait compétence pour statuer surla demande d'indemnité introduite par les srs Bayle, de Werbrouck et C'°. C'est seulement en cas de réponse affirmative qu'il y aura lieu de rechercher si la responsabilité de la compagnie du chemin de fer pouvait être légalement engagée et enfin subsidiairement si les dommages allégués existaient réellement et s'ils étaient de nature à donner lieu à réparation. Donc il y a lieu de discuter successivement: 1" la question de compétence; 2° la question de responsabilité au fond ; 3° la question de la réalité et de la nature des dommages. Tout d'abord, la demande d'indemnité des propriétaires de la mine de Sainte-Marie-de-Fouilly, à raison de la préfendue interdiction d'exploiter résultant pour eux de l'arrêté préfectoral du 10 mai 1902, pouvait-elle être portée devant le conseil de préfecture et ne ressortissait-elle pas plutôt à l'autorité judiciaire? La jurisprudence sur ce point a fréquemment varié. Après s'être, à l'origine, prononcée en faveur de la compétence judiciaire, par le motif qu'il s'agissait en pareil cas d'une atteinte à la propriété minière, elle fit par la suite des distinctions suivant qu'on se trouvait en présence de l'ordre d'exécuter tel ou tel travail de consolidation ou d'une prescription temporaire ou suivantqu'on se trouvait en présence d'une prescription définitive, suivant, par exemple, qu'il y avait interdiction momentanée d'exploiter ou interdiction indéfinie. Dans le premier cas, on admit la compétence du conseil de préfecture, juge des dommages causés par des travaux publics'; dans le second cas, c'est-à-dire quand il y avait établissement d'un investison, on décida que la compétence était judiciaire. Et le tribunal des conflits, par arrêt du 5 mai 1877, s'était prononcé dans ce sens [Voyez Houillères de Saint-Etienne, 5 mai 1877 (Lebon, p. 444)J (*). Mais il ne pouvait échapper au juge suprême des compétences • (*) Annales des Milles, volume de 1877, p. 248.

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que cette distinction ne reposait sur aucune base juridique sérieuse. Il ne saurait être en ell'el question, en pareille hypothèse, d'une expropriation partielle de la mine, puisque la mine ne passait, pas dans le domaine de la compagnie du chemin de fer et que, si un jour l'interdiction d'exploiter venait à être levée, ce serait au profit des propriétaires de la mine que l'extraction recommencerait. Du moment qu'il ne s'opérait pas de translation de propriété, on ne pouvait parler de dépossession de fait et d'expropriation indirecte, mais seulement de dommages. Sans doute, ces dommages avaient parfois le caractère de dommages permanents, mais, d'après une jurisprudence et une doctrine bien établies, la juridiction administrative a qualité pour connaître des actions en réparation introduites à raison de dommages permanents, tout aussi bien que de celles afférentes à toutes autres espèces de dommages. Aussi le tribunal des conflits abandonna-t-il sa thèse de 1877 et, par un arrêt très fortement motivé du 7 avril 1884, il s'est très catégoriquement prononcé en faveur de la compétence administrative [Voyez 7 avril 1884, Coste, Clavel et & (Lebon, p. 321) (*)]. Depuis lors, plusieurs décisions du conseil d'Etat ont été rendues dans le même sens [Voyez notamment: conseil d'Etat: Cie Paris-LyonMéditerranée, 22 mai 1896 (Lebon, p. 431 ) ;**) ; Société des redevances de la Chaux, 13 décembre 1901 (Lebon, p. 883) (***)]. — Et cette jurisprudence a été approuvée par tous les auteurs qui ont écrit sur la matière (Voyez : Aguillon, Législation des mines, p. 508 ; — Picard, Traité des chemins de fer, t. II, p. 968). — Sur ce premier point, donc, pas de doute possible : c'est avec raison que les srs Bayle, de Werbrouck et Ci0 avaient porté leur réclama! ion devant le conseil de préfecture, et la décision qui vous est déférée émane bien d'un juge compétent. Mais ce juge pouvait-il, comme il l'a fait, proclamer la responsabilité de la compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée envers les propriétaires de la mine de Sainte-Marie-deFouilly, à raison des prétendus préjudices causés à ces derniers par les prescriptions de l'arrêté préfectoral du 10 mai 1902, interdisant l'exécution sans autorisation de tous travaux de recherches et d'exploitation dans une zone de 20 mètres de chaque côté de la voie ferrée? Une semblable responsabilité était-elle (*) Annales des Mines, volume de ISSi, p. 327.

    • ) Annales des Mines, volume de 1896, p. 366.

(***) Annales des Mines, volume de 1902, p. 42.