Annales des Mines (1907, série 10, volume 6, partie administrative) [Image 10]

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des mines du Grand-Clos, appartenant à la comtesse de Grailly, qu'il faisait subir au minerai extrait diverses transformations et traitements, notamment à la fonderie d'Allemont, et qu'il exerçait ainsi une véritable industrie pour les besoins de laquelle il avait commandé à Morel les broyeurs, machines à trier, meuletons, etc., dont le prix lui était réclamé ; Attendu que Dekker conteste ces appréciations; que rien ne démontre qu'il soit locataire des mines du Grand-Clos et non le mandataire de la comtesse de Grailly, comme il avait pris la qualité dans une requête adressée au préfet des Hautes-Alpes, le 10 février 1904, précisément au sujet de l'exploitation des mines du Grand-Clos; mais qu'en admettant même que Dekker soit locataire il ne s'ensuivrait pas que son exploitation ait un caractère commercial ; que la loi a entendu enlever à l'exploitation des mines le caractère d'un acte de commerce, sans distinguer si elle est faite par un propriétaire ou par un locataire; qu'en effet cette exploitation, qui n'est que la réalisation des produits d'un immeuble, ne change pas de nature lorsqu'elle est faite par un autre que le propriétaire lui-même; qu'on n'a jamais songé à assimiler à un négociant le fermier d'un bien rural ; Attendu qu'il n'est pas exact de considérer comme des opérations industrielles, ayant véritablement un caractère commercial, les transformations que Dekker faisait subir au minerai extrait dé la mine du Grand-Clos ; que la correspondance des parties et les documents versés aux débats ne laissent aucun doute sur ce point; que les premiers juges ne paraissent pas avoir attribué son sens exact au mot « enrichissemènt » employé par Dekker dans sa commande d'une laverie, c'est-à-dire d'un atelier d'enrichissement du minerai; qu'en langage de mineur on dit qu'un filon s'enrichit lorsqu'il devient plus épais ou plus riche en minerai; qu'enrichir du minerai ne signifie pas lui adjoindre des matières étrangères et le dénaturer, mais simplement le débarrasser des corps étrangers qui l'accompagnent et le rendre plus riche, c'est-à-dire renfermant plus de parcelles métalliques pour un même volume; que la liste des objets vendus par Morel à Dekker : noria, cylindres broyeurs, meuletons, concasseurs, trémies, bacs, grilles, etc., démontre clairement que ces appareils étaient desLinés à une série d'opérations tendant à débarrasser le minerai de la roche, sans avoir recours à sa transformation par l'achat et l'adjonction de matières étrangères; que ces opérations, qui ne sont que la conséquence de l'exploitation de la mine, constituent simplement un perfectionnement des

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moyens d'extraction des produits naturels de la mine, et n'ont nullement un caractère commercial; Attendu que, dans ces circonstances, les achats de Dekker n'ont aucun caractère commercial; qu'il importe peu que la marchandise ait été commandée ou dût être payée à Domène, le tribunal de commerce de Grenoble n'étant pas compétent ratione materise pour connaître de la demande; Attendu que, par ses conclusions subsidiaires, Morel demande que la cour ordonne une expertise pour décrire l'exploitation de Dekker au Grand-Clos; rechercher si les appareils livrés par Morel n'étaient pas destinés à enrichir le minerai, et si Dekker n'a pas vendu 150 tonnes de minerai enrichi, en 1904; Attendu que les considérations qui précèdent justifient suffisamment le rejet de ces conclusions; qu'il ressort, en outre, de la correspondance et des documents de la cause que Dekker n'a jamais exploité la fonderie d'Allemont et n'a utilisé le cours d'eau de cet établissement que pour laver ses minerais; que la vente de 150 tonnes de minerai n'est pas contestée par Dekker, qui reconnaît qu'il avait traité ce minerai avec les appareils fournis par Morel, mais qu'il est évident qu'on ne peut voir dans ce fait que la vente des produits naturels de la mine et nullement un acte de commerce ; Attendu que Morel succombant doit être condamné aux dépens; Par ces motifs, la cour, faisant droit à l'appel interjeté par Dekker du jugement du tribunal de commerce de Grenoble, en date du 20 février 1905, et sans s'arrêter aux conclusions, tant principales que subsidiaires, de Morel, dont il est débouté, Infirme le jugement entrepris, Et, statuant à nouveau, Dit que le tribunal de commerce de Grenoble était incompétent pour connaître de la demande de Morel ; Renvoie ce dernier à se pourvoir ainsi qu'il avisera ; Condamne Morel aux dépens de première instance et d'appel.