Annales des Mines (1904, série 10, volume 3, partie administrative) [Image 155]

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JURISPRUDENCE.

dommage, la fraude, la faute, le fait licite, et le cas fortuit ou de force majeure, et donnerait dans ces hypothèses si diverses une solution uniforme, serait la négation des principes essentiels du droit et de l'équité naturelle et ne saurait être imposée au juge que par un texte formel et précis; Attendu d'ailleurs que le règlement de l'indemnité n'est pas par le silence du texte, livré pleinement à l'arbitrage du juge; Que celui-ci trouve dans les principes généraux du droit les règles qui doivent dicter sa décision; Que le juge devra régler l'indemnité en tenant compte des rapports de voisinage et des devoirs qui en résultent pour tous les concessionnaires de mines ; Qu'il devra tenir compte encore de la cause de l'envahissemenl des eaux et distinguer soigneusement, suivant les espèces qui lui seront soumises, les faits qui engageront la responsabilité de -chacun des concessionnaires et ceux qui tiendront à la dégager; Qu'enfin, s'agissant d'obligations légales, il devra tenir compte, pour le règlement du dommage en dehors du cas de faute reconnue, des règles des art. 1149 et suivants du Code civil ; Attendu que l'art. 4b de la loi du 21 avril 1810 ainsi entendu, le juge se trouvera investi des mêmes pouvoirs qui lui ont été conférés dans une espèce sensiblement identique par l'art. 641 du Code civil modifié par la loi du 8 avril 1898 et qu'il pourra concilier, en prononçant une juste indemnité, le respect dûàla propriété et les intérêts de l'industrie minière ; Que cette assimilation de deux situations de fait analogues vient encore fortifier l'interprétation donnée plus haut à l'art. 45 delà loi du 21 avril 1810; Que c'est donc en ce sens qu'il doit être entendu et qu'il convient de faire application de ces principes à la cause soumise au tribunal sans se préoccuper de questions purement, théoriques étrangères au débat actuel et sans entreprendre de concilier entre eux les divers éléments contradictoires de ladoctrine et de la jurisprudence ; Attendu, ces principes étantadmis, qu'il convient d'examiner en fait l'action intentée par la Compagnie des houillères de SaintÉtienne à la Compagnie des mines du Cros ; Qu'un jugement avant dire droit a commis des experts qui ont procédé à l'accomplissement de leur mission ; Que le travail de ces experts n'est l'objet, quant aux constatations de faits qui y sont relevées, d'aucune critique et d'aucune contestation ;

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Que ce travail net et précis permet au tribunal de se rendre exactement compte des causes qui ont amené l'envahissement du puits hors delà Compagnie des houillères par les eaux provenant du puits Camille de la concession du Cros; Qu'il est, en effet, établi qu'à la suite de l'abandon de l'exploitation en vallée de la partie basse de la concession dupuits Camille, le puisard qui s'y trouvait fut remblayé, la pompe d'épuisement fut supprimée et qu'à la suite de cette suppression le niveau de l'eau s'éleva presque brusquement de la cote 137 à la cote 170; Qu'un immense réservoir fut ainsi formé à la limite même des deux concessions ; Qu'àla vérité, l'investison de 20 mètres soigneusement respectée par les deux compagnies empêcha toute communication des •eaux par la paroi, mais que lesdites eaux refluèrent au-dessus de l'investison et qu'élant données les fractures et les défectuosités desloits des deux exploitations elles pénétrèrent abondamment de la concession des mines du Cros dans celle des houillères ; Que de ces faits constants il faut conclure que l'envahissement dupuits Mars par les eaux du puits Camille a eu deux causes : la cessation de l'épuisement des eaux du puits Camille et le défaut d'imperméabilité des toits des deux concessions; Qu'il convientd'examiner successivement chacunede ces deux causes; Attendu que, de ces deux causes, la première est certainement la principale, qu'elle provient du fait exclusif de la Compagnie des mines du Cros et que la Compagnie des houillères n'y a aucune part, qu'il convient de constater que le fait de la cessation de l'exhaure du puits Camille, fait licite sans doute, est un fait essentiellement volontaire, que le cas fortuit ou la force majeure y sont absolument étrangers ; Qu'enfin les conséquences nécessaires à cette accumulation des eaux à la limite des deux concessions pouvaient et devaient être certainement prévues parles hommes de l'art au service des mines du Cros; Que celle-ci a donc engagé pleinement sa responsabilité parun fait conscient, réfléchi et dépendant uniquement de sa volonté ; Attendu, en ce qui concerne la deuxième cause, qu'il est vrai pe l'envahissement des eaux ne se fût pas produit si les toits des deux concessions eussent été imperméables; Que le fléchissement desdits toits, les cassures qui s'y rencontraient favorisèrent, au contraire, le passage des eaux;