Annales des Mines (1904, série 10, volume 3, partie administrative) [Image 12]

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Qu'on ne peut admettre davantage, relativement aux puits et source des Piquets, le résultat prétendu de l'approfondissement du ruisseau de Margenne, opération qui remonte à l'année 1884, et dont les effets se seraient certainement manifestés avant 1891 pour les puits, et surtout avant 1893 pour la source et l'abreuvoir beaucoup plus rapprochés du cours d'eau ; Qu'il en est de même des drainages, dont l'effet ne peut être considéré comme suffisant pour expliquer l'abaissement des eaux aux Piquets, alors que ceux qui ont été opérés au voisinage des Moreaux ont été sans effet sur le puits de cette ferme, puisqu'il a tari avant qu'ils eussent été commencés, et que, après son approfondissement, le niveau de l'eau est resté sensiblement le même, malgré l'accomplissement de ces travaux; Qu'enfin, un usage plus considérable des eaux pendant un certain temps, amené par la disparition des sources des Remouilloux, ne parait pas suffisant à expliquer, pour le puits des Moreaux, le tarissement qui a persisté, pendant qu'on s'approvisionnait à celui du château, jusqu'au jour où on a procédé à son approfondissement ; Attendu que, dans l'impossibilité où l'on se trouve d'expliquer les faits litigieux par une cause autre que l'assèchement partiel du terrain amené par les travaux de la Société lyonnaise, la cour est amenée à reconnaître, conformément à l'appréciation des premiers experts, la responsabilité de ladite société au regard des demandeurs ; Attendu que les évaluations du préjudice subi, telles qu'elles sont consignées en leur rapport, paraissent exactes etn'ont donné lieu à aucune discussion; Que les premiers juges se les sont à bon droit appropriées pour fixer le montant des dommages-intérêts alloués tant aux consorts Chariot qu'à de Vaulx; Que, toutefois, ils ont omis, probablement par inadvertance, en lout cas à tort, d'allouer à ce dernier : 1° une somme de 1.500 francs, représentant, à raison de 500 francs par an, le surcroît de dépenses d'exploitation qu'il a dû supporter à raison du tarissement des puits de la -métairie des Piquets; 2° une somme de 1.450 francs, représentant le prix de travaux effectués pour utiliser les puits des Moreaux et des Piquets ; Qu'il y a lieu de faire droit à l'appel incident par lui interjeté et de porter à 13.700 francs la somme représentant la réparation du préjudice occasionné au propriétaire ; Attendu que la Société lyonnaise soutient subsidiairement

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qu'elle ne peut être condamnée à indemniser ses adversaires de ce préjudice qu'en tant qu'il concerne la partie des domaines appartenant à de Vaulx qui est comprise dans le périmètre de sa concession ; que, dès lors, elle ne saurait être tenue pour responsable des conséquences qu'a pu entraîner son exploitation soit relativement aux puits des Piquets, soit relativement à la source et à l'abreuvoir qui existaient sur la parcelle numéro 79; Qu'elle soutient, à l'appui de sa prétention, que le concessionnaire d'une mine se trouve substitué au propriétaire primitif en ce qui concerne le droit d'utiliser pour son avantage la partie inférieure du sol, et qu'en conséquence il ne peut être recherché à raison des modifications que les travaux par lui régulièrement exécutés peuvent apporter pour les héritages voisins au régime antérieur des eaux, pas plus que ne l'aurait été le propriétaire de la surface, si, en pratiquant des fouilles sur son terrain, il avait occasionné ce résultat; Attendu que les premiers juges ont à bon droit repoussé cette interprétation ; qu'en effet, le concessionnaire ne peut être assimilé au propriétaire ordinaire dont l'article 552 consacre les pleins pouvoirs sur son fonds ; Que le droit dont il use a un caractère spécial dérivant des conditions particulières dans lesquelles l'Etat, duquel il le tient, a été amené à le constitutuer ; Que si le législateur a dû, dans l'intérêt général, placer en dehors des règles du droit commun la partie souterraine du sol où se trouvent des richesses dont l'extraction intéresse la fortune publique, il est inadmissible qu'en procédant à cette sorte d'expropriation il ait entendu sacrifier, au delà de la ^mesure nécessaire au but à atteindre, les intérêts privés, et qu'il n'ait pas réservé le droit à une légitime indemnité au profit de tous ceux auxquels l'exploitation de la mine occasionnerait un préjudice certain ; que le droit à la réparation de la perte subie, universellement admis en faveur du propriétaire de la surface immédiatement supérieure, appartient au même titre au propriétaire voisin, puisqu'il dérive, non d'une faute commise par le concessionnaire, mais d'un principe d'équité que l'un et l'autre sont également fondés à invoquer et dont une démarcation, uniquement destinée à délimiter l'étendue des travaux, n'a pu restreindre arbitrairement l'application ; Qu'à la vérité, cette réserve n'a pas été formulée expressément dans la loi du 21 avril 1810, mais que les travaux préparatoires aussi bien que certaines de ses dispositions suffiraient à témoi-