Annales des Mines (1903, série 10, volume 2, partie administrative) [Image 44]

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tout associé la possibilité de rester étranger, malgré le vote de la majorité, aux marchés dont les clauses leur semblaient désavantageuses et inacceptables. Attendu, en effet, et ainsi qu'il a été dit, qu'au début de la crise et alors que le Comptoir avait été amené par la situation à faire des concessions à sa clientèle, l'appelante paraissant se rendre compte des nécessités auxquelles il obéissait, n'avait fait entendre aucune réclamation, et avait, au contraire, accepté, comme tous ses coassociés, les décisions du conseil d'administration qui avaient reçu son approbation ; que ce n'est qu'à la réunion des sociétaires du 6 mai 1901 que, le directeur ayant fait de nouvelles propositions modifiant des marchés dans un sens favorable aux acheteurs, elle ne prit pas part au vote, demandant huit jours pour réfléchir ; qu'à la séance suivante du 13 mai elle ne s'est point fait représenter, gardant-le silence sur ses intentions; qu'elle s'est contentée de faire, à la date du 18 mai, de vagues réserves sur les prix, sans dire qu'elle entendait user de la faculté que Lui conférait l'article 27; que son abstention et son attitude subséquente sauraient d'autant moins être considérées comme un refus de prendre part aux marchés nouveaux ou aux marchés anciens modifiés qu'elle n'a jamais cessé de livrer au Comptoir les fontes qu'elle devait lui fournir d'après ses engagements; qu'elle a, au contraire, continué ses livraisons et en a encaissé les prix; que, sans doute, elle a cru devoir, sur ses factures, renouveler ses réserves, mais qu'elles étaient forcément inopérantes et sans valeur, puisqu'elles ne pouvaient équivaloir à un refus formel qui, seul, pouvait la dégager vis-à-vis du Comptoir; que les fournitures qu'elle opérait régulièrement étaient d'ailleurs exclusives d'une pareille intention ; qu'il convient de remarquer que le refus, s'il avait été réellement formulé par la.Société de Villerupt, était soumis, pour être valable, à la condition consistant dans la réduction proportionnelle qu'elle aurait dû subir dans son quantum de production ; que cette condition du pacte social n'a jamais été accomplie en ce qui la concerne, puisqu'il est démontré qu'elle a continué à produire et à fournir comme si elle n'avait jamais fait aucune réserve; qu'il en résulte que l'appelante n'a pas eu recours à la seule voie qui lui était ouverte pour légitimer sa résistance, c'est-à-dire pour être en droit de ne pas participer aux nouveaux marchés ou aux marchés modifiés qu'usant des pouvoirs qu'il tient des statuts le Comptoir avait consentis en s'inspirant à la fois des intérêts des associés et des intérêts de la clientèle.

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Attendu que les documents versés au procès établissent, à n'en pas douter, que le Comptoir s'est trouvé, à la fin de 1900 et au commencement de 1901, en présence d'une situation véritablement exceptionnelle; qu'une baisse excessive avait tout à coup succédé à des prix très élevés, alors qu'en prévision de la continuation de la hausse les consommateurs avaient accepté, pour leurs marchés, des conditions très rémunératrices pour les industriels associés ; qu'il est manifeste que le maintien de ces conditions, ruineux pour les acheteurs, aurait été nuisible aux sociétaires eux-mêmes en portant atteinte à la bonne renommée du Comptoir dont ils faisaient partie, et en provoquant pour un avenir prochain la dispersion de la clientèle; que des faillites auraient été la conséquence d'une rigueur véritablement excessive, de sorte que la prospérité aurait fait place à une crise dangereuse pour la métallurgie en la conduisant fatalement au chômage temporaire de ses usines; que c'est donc sous l'empire d'une évidente nécessité que le Comptoir s'est décidé à des sacrifices que la presque unanimité de ses membres n'a pas hésité à ratifier; qu'il est évident, d'ailleurs, que son propre intérêt se confond avec celui de ses associés, puisque, ne réalisant pas pour lui-même de bénéfices particuliers, il n'a en vue que les avantages et les bénéfices de la grande industrie dont il est l'émanation; qu'on doit donc reconnaître qu'en agissant comme il l'a fait le Comptoir a exactement rempli le but de son institution sans s'écarter, en aucune façon, des règles des statuts et sans sortir des limites que le pacte social a tracées à ses pouvoirs et à ses droits. Attendu, en ce qui concerne les réserves faites par l'appelante en vue d'une instance ultérieure en annulation de la société anonyme constituant le Comptoir métallurgique de Longwy, que cette question n'a pas de rapport direct avec le litige actuellement soumis à l'appréciation de la cour que les droits de la Société de Villerupt restent entiers quant à ce qu'il n'échet pas, dans ces circonstances, de donner acte desdites réserves. Et adoptant, au surplus, les motifs non contraires des premiers juges. Par ces motifs, la Cour met l'appel au néant, confirme, en conséquence, le jugement attaqué, dit qu'il sortira son plein et entier effet, condamne la Société de Villerupt-Laval-Dieu à l'amende et à tous les dépens d'appel.